Il est des moments de l'histoire qui, en soleils impitoyables, mettent en lumière chaque détail de l'esprit humain. Ce qu'on nous donne alors à contempler n'est pas toujours facile à voir : nous ne sommes au fond que des animaux à qui la parole donne un nouveau moyen de predater. Dans des circonstances aussi dures, innombrables sont ceux qui redeviennent ours, loups, charognards. On s'interroge : moi, aurais-je fais pareil? Si j'étais né dans un village d’exilés à l'ère soviétique, si Staline m'observait à chaque coin de rue, si l'on attendait de moi que je clame haut et fort que mes parents sont des traîtres et des menteurs, n'aurais-je pas choisi l'option la plus simple? N'aurais-je pas tout fait pour éviter les neiges et l'or glacial de la Kolyma?


Mais, nous dit ce livre, c'est précisément là le piège. Quand on croît ne plus rien posséder d'autre que la peur, il reste pourtant ce qui nous distingue de l'animal : la dignité. Les tortionnaires du Parti l'avaient bien compris et c'est ce qu'ils s'employaient chaque jour à aliéner chez leurs prisonniers. Et les Neiges Bleues de nous montrer toutes leurs déboires, tout leur avilissement, toutes ces échines courbées dont la soumission n'est pas une garantie pour éviter le goulag. Et aussi, au milieu de tout ces moins qu'humains, des êtres fantastiques, plus qu'humains. Ceux qui n'ont pas renoncés, ceux dont les trésors ne peuvent être pillés. Stoïcisme de fortune.


Il me faudrait trop de temps pour vous décrire chacun d'entre eux : Beauté, la mère du personnage principal, dont tous sont amoureux, pour qui tous tuent, mais qui ne se donnant qu'aux "vrais hommes" signifie à tous qu'ils ont troqués leur humanité contre une vie puante. Champagnevitch, jeune garçon qui supporte toutes les pertes, s'évadant dans les beautés de l'aube et dans l'espoir d'une Europe lointaine, poète qui du haut de ses huit ans domine mieux la souffrance que les adultes. Et le jeune Kim, a qui le Bouddha a enseigné de ne pas s'incliner pour de fausses jouissances. Et celui-ci, et celui-là... tous semblent sortis de contes russes, tranchant par leur or sur le bleu des neiges.


Le livre a quelques défauts. Sur la fin, il penche vers une mélancolie qui altère quelque peu le propos. Son écriture simple laisse parfois le lecteur sur sa faim. Il est anormalement court par endroits. Sans doute le vœux de ne pas en faire trop. Ces défauts sont minimes en fin de compte, le message plus que transmit. On pourrait aussi se demander si ce livre, en partie auto-biographique, n'enjolive pas les choses. Mais juger est ici difficile lorsqu'on a pas vécu. A lire absolument, pour comprendre où est la véritable mort...et la vraie poésie.

Pulsar
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le 26 août 2017

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