Plongée à hauteur d’enfant dans une période terrible de l’histoire russe (autobiographique)

Comme des milliers d’autres Polonais lorsqu’en 1939 les Soviétiques envahissent l’Est de leur pays, l’auteur, alors âgé de cinq ans, est déporté en Sibérie avec toute sa famille. Son père est envoyé au Goulag, dans l’un des terribles camps de la Kolyma, cette région de l’Extrême-Orient russe transformée par le travail forcé en un centre majeur d’extraction minière, notamment aurifère. L’enfant, sa mère et sa grand-mère, sont relégués dans une petite ville, située dans la taïga sur le trajet du Transsibérien.


Semblant de petites nouvelles indépendantes, les courts chapitres se succèdent en autant de tranches de vie pour former la trame d’un quotidien inscrit dans un monde singulièrement à part. Dans ces confins écrasés de froid, où l’on manque d’autant plus de tout, en particulier de nourriture, que la guerre bat son plein, un assemblage hétéroclite d’exilés assignés à résidence, pour la grande majorité les membres de familles de prisonniers politiques, tente tant bien que mal de survivre. Le froid, la faim, mais aussi la menace permanente du NKVD qui, à tout moment, peut arbitrairement trancher le fil des existences, marquent leur dur ordinaire, où brutalité et duplicité côtoient entraide et générosité pour espérer gagner quelque temps sur la mort qui frappe à une cadence infernale.


La narration est menée par un petit garçon de huit ans, bien conscient de ce que la survie peut nécessiter de fausseté et de compromission, mais qui n’en aborde pas moins la vie avec la spontanéité et la fraîcheur de l’enfance. Les épisodes qu’il relate dessinent peu à peu un tableau d’ensemble, à plus forte raison terrible et impressionnant, qu’ils sont tous extraits d’une réalité pour lui banale, et que tout y a l’accent d’une histoire vécue. Aussi effroyable soit-il, le récit ne laisse jamais la place au désespoir, et s’éclaire plutôt de précieux éclats d’amour et d’amitié, de sincérité brute et passionnée, de foi pure et touchante - pépites d’humanité tranchant sur leur gangue de noirceur, et qui, au fil d’une écriture d’une magnifique simplicité baignée de poésie, ensorcellent le lecteur coeur et âme.


Un livre superbe, aussi marquant qu'émouvant, pour une plongée à hauteur d’enfant dans une période terrible de l’histoire russe. Très grand coup de coeur.


https://leslecturesdecannetille.blogspot.com

Cannetille
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le 12 mai 2023

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