Les Nuits Blanches est un court récit, celui d'un rêveur solitaire qui découvre pour la première fois ce qu'est l'amour dans sa beauté et dans sa cruauté.
Ce roman me parle car il parle de solitude. Celle qui plonge le solitaire dans le rêve, dans la contemplation des hommes et dans l'errance. Elle apporte une forme de plénitude, une douceur de l'imagination, une enveloppe de l'âme, mais chez chaque solitaire se niche une envie incompressible de vivre des émotions avec un autre.
Alors quand sa bien-aimée apparaît, il plonge rapidement - très rapidement. Il découvre ce qu'est l'amour, le partage, le lien, le rêve à deux et l'empathie. Il trouve en ce lieu où ils se rencontrent l'unique endroit où il sort de sa propre tête pour rejoindre le monde réel. Elle est son lien avec lui. Elle le fait sortir du rêve doux-amer du solitaire et le fait monter au rêve des amoureux passionnés. La chute n'en sera que plus grande et plus douloureuse.
La force du roman est qu'il se construit comme un conte de fée. Petersbourg est une ville des anges, à tel point qu'on s'y demande "Est-il possible que, sous un ciel pareil, vivent toutes sortes de gens méchants et capricieux?".
Il parle de rencontre, d'échange, de liens, d'amour. Mais leur lieu n'est pas le for de l'enchantement. Les rêves ont ceci de doux qu'ils nous consolent toujours. La réalité, elle, est méchante et capricieuse. Sitôt qu'il sort de ses rêveries, il découvre sa vulnérabilité, sa méconnaissance des relations humaines, la cruauté et la douleur du monde.
Un récit acre, acerbe, cruel par sa réalité, car la solitude y est dépeinte pour ce qu'elle est: un monstre qui nous absorbe mais qui nous rassure, une douce cage qui nous efface progressivement du monde jusqu'à le faire disparaître. Un pied en dehors de cette cage, et nous nous découvrons démunis face à ses pièges, ses horreurs, ses "gens méchants et capricieux".
Peut-être sommes nous tous ces gens-là ? Peut-on blâmer les rêveurs, de revenir à leurs rêves pour échapper aux méandres de la réalité ? Dostoïevski donne une esquisse de réponse: "Une pleine minute de béatitude ! N'est-ce pas assez pour toute une vie d'homme !..."