Une histoire d'amour foutue d'avance entre un homme (largement plus attiré par les hommes) et une fille. Mais peut-on vraiment parler d'histoire d'amour quand la fille aime le mec à en crever alors que ce dernier ne sait pas quoi faire d'elle, ne sait même pas lui dire qu'il ne veut pas d'elle ? Il préfère se perdre dans des rencontres homosexuelles extrêmes, dans des errances sordides, ses "nuits fauves". Je ne sais pas si c'est volontaire, mais la structure du roman est comparable à l'évolution de l'histoire entre le narrateur et Laura : pendant la première moitié, plutôt prometteuse, il fait pas mal de confidences au lecteur, enchaîne les observations philosophiques. Dans la seconde moitié, alors que sa relation avec la jeune fille tourne clairement au vinaigre, il prend de la distance avec le lecteur, pour enchaîner les descriptions plus brutes des sempiternelles rencontres fétichistes, virées nocturnes, soirées sous drogue, etc. Cyril Collard ne cherche pas à se mettre en valeur et apparait souvent comme la dernière des merdes, incapable de la moindre tendresse ou honnêteté avec une fille qui l'aime plus que tout et qui se suicide lentement à essayer de le reconquérir en permanence. Cette partie devient un peu éprouvante voire ennuyante car on doit se coltiner d'innombrables messages téléphoniques de la pauvre Laura rendue cinglée qui passe son temps à pleurer, l'insulter et l'implorer. Mais la conscience du narrateur de sa lâcheté et de sa médiocrité remet les choses en perspective. Et en toile de fond, le Paris de la fin des années 80, les cafés, la cocaïne, les Arabes contres les skinheads, le rock...