Une petite ville suédoise. Tranquille. Eva, une dame de 56 ans. Sans histoire. Elle s'occupe de ses rosiers avec amour et s'octroie un petit verre de vin, le soir, en rédigeant son journal intime dans le carnet que lui a offert sa petite-fille. Qui commence ainsi : "J'avais sept ans quand j'ai décidé de tuer ma mère. Et dix-sept ans quand j'ai finalement mis mon projet à exécution." Des roses, du vin et beaucoup de haine : le roman de Maria Ernestam, Les oreilles de Buster, nous fait entrer dans un monde où la candeur et la perversion dansent une étonnante farandole dont on se demande si elle est plus gaie que douloureuse. Les deux, assurément, tendre et cruelle aussi, dans ce conte rose et noir qui, tour à tour, évoque les faces noire et blanche d'Eva, ses secrets, ses démons et ses rêves coupés à la racine. Au fil de son histoire personnelle, elle raconte sa vie de femme mûre, les liens qui l'unissent à son compagnon, à ses enfants et petits-enfants, à ses amies, à la vieille femme dont elle s'occupe parfois et que le système de santé suédois néglige (un sujet qui tient particulièrement à coeur à la romancière). Mais le plus gros des 400 pages du livre revient sur l'existence d'Eva de 7 à 17 ans, le temps qu'il lui faudra pour se débarrasser d'une mère égoïste, vaniteuse, tyrannique, douée pour l'humilier et lui faire comprendre qu'elle ne l'a jamais désirée. La plume de Maria Ernestam est douce jusque dans les scènes les plus horrifiques. Un chien nommé Buster et les parties génitales d'un certain Bjorn peuvent en témoigner. Très beau roman, serein et lumineux, récit d'une enfance et d'une adolescence meurtries, que Maria Ernestam recouvre d'un parterre de roses, sous lesquelles gisent les restes de souvenirs macabres et magiques à la fois.

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le 2 févr. 2017

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