Si j'étais ado, nul doute que j'attribuerais à ce roman la note maximale mais c'est avec mon regard d'adulte que je vous livre ici mon avis.
Le défi de l'auteur est de taille : faire rire de ce qui blesse et faire naître la valorisation de l'humiliation.
Hakima, Astrid et Mireille sont trois adolescentes boulottes qu'un crétin de leur collège a élu "Boudins d'Or, d'Argent et de Bronze", reines de "mocheté" d'un concours de son cru, tout aussi crétin. A l'heure de la génération Z et des "digital natives", cette initiative immorale qui touche selon moi à la maltraitance et au harcèlement, a pourtant tous les atouts pour faire le buzz. Plus ou moins dissimulées derrière leurs pseudos et avatars, des hordes d'ados boutonneux et méchants - comme peuvent si bien l'être des ados boutonneux - lâchent la bride à leurs bas instincts : se moquer, humilier, s'acharner sur un souffre-douleur... Les trois jeunes filles prennent la chose avec plus ou moins de recul mais la blessure est bien là. Quelle réaction adopter pour faire la nique aux cons et pour se protéger ? Relever un challenge et prouver que leur physique disgracieux ne les empêche pas d'être belles d'altruisme et d'intelligence. En quelques jours, elles mettent sur pied un improbable voyage à vélo de Bourg-en-Bresse à Paris, exclusivement financé par la vente itinérante de... boudins.
Nous avons tous été ados, donc nous avons tous été confrontés de près ou de loin à ce type de discriminations. Perso, j'étais plutôt du côté des victimes et j'ai ressenti en profondeur l'injustice et l'humiliation rapportées par cette fiction si proche de la réalité de bien des jeunes gens en milieu scolaire. De tous les harcèlements, celui qui touche au physique compte sans doute parmi les plus douloureux, si tant est qu'on puisse hiérarchiser les différentes formes de persécution. C'est donc consciente de tout ce contexte que je me suis lancée dans la lecture de ce roman jeunesse ciblé adolescence. Merci au passage à petitsoleil qui me l'a procuré.
J'ai trouvé beaucoup de subtilité et d'humour dans le traitement que fait Clémentine Beauvais de son thème : un sujet tabou qu'elle s'acharne à faire tomber et même si parfois les personnages sont un peu outrés, on lui pardonne parce qu'elle s'adresse à un jeune public pour qui la vraisemblance de la narration est peut-être moins importante que l'identification aux personnages. Les chapitres sont courts et s'imbriquent avec logique dans une trame assez fertile en rebondissements. Les personnages sont plus ou moins attachants selon leur personnalité ; on se prend facilement à leur jeu, on les encourage dans leur défi et pour un peu, on partagerait un peu de leurs courbatures.
Pour avoir lu et apprécié "La liste" de Siobhan Vivian qui traite un peu du même sujet, j'ai trouvé chez "Les petites reines" une construction plus originale et davantage de légèreté et de tendresse ; cette même tendresse dont les ados ont tant besoin et qu'ils mettent très souvent toutes leurs forces à repousser.