Les bottes dans la boue, le cadran vers les nuages

Ayé, je suis enfin venu à bout de ce pavé, qui m'aurait bien occupé - avec des intermittences, bien sûr - plus de six mois. Il faut dire qu'avec plus de 1000 pages de scribouillis écrit tout petit... Mais bon, puisque ces Piliers de la Terre sont une fresque s'étendant sur des décennies et impliquant une bonne douzaine de personnages principaux, je pense que cet espacement n'était pas tant que ça un problème. Ken Follett décrit donc dans cet ouvrage, dont j'entends parler depuis ma naissance - et qui a à peu près la même date que moi - l'histoire d'un moine, Philipp, et d'un bâtisseur, Tom, ainsi que de sa famille, dont l'objectif, céleste pour l'un, bien terrestre pour l'autre, consiste à ériger une cathédrale. Vu comme ça, ça peut avoir l'air un peu rébarbatif, et je dois dire que les phases de description de l'architecture (allez 50 pages sur l'ensemble?) sont celles que je lisais vraiment en diagonale. Pour le reste, si j'ai mis tant de temps à venir à bout de mon ouvrage (tout de même moins que Tom et sa smala), ce n'est pas tant à cause du style, assez insipide mais très lisible, de Follett. C'est simplement que la chose se lit comme un feuilleton, qui multiplie les péripéties, le total ressemblant au final à une série d'épisodes/nouvelles raccroché(e)s les un(e)s à la suite des autres. Bien sûr, le tout, comme un saga se suit chronologiquement, de l'ascendance à la descendance, et quelques coups de théâtre bien sentis relancent ici ou là l'intrigue générale. Mais l'ensemble m'a semblé ressembler, au final, à une ossature de scénario à la Game of Thrones.


On y retrouve donc, dans une ambiance médiévale cette fois dénué de tout fantastique, un mélange de complots politico-ecclésiastiques, un peu de batailles, pas mal de coups dans le dos, quelques morts marquantes, mais aussi un peu de sexe et de cruauté. Mais, à la différnece de GoT, Les Piliers sont bien plus fermement manichéen, là où GoT opposaient vrais/faux salauds (les Lannister) des vrais/faux gentils (les Stark), Follett, prend bien soin d'opposer le bon et brave Philipp à l'ordure Waleran, et le brave Tom, la forte Aliena commes des héros de vertu face à l'immonde William, qui peut évoquer un Jeoffrey un poil moins sadique, mais qui semble endosser à lui seul toutes les crasses du monde. Bien sûr, les premiers ont tout de même quelques défauts, véniels (un peu d'arrogance ici ou là) et les seconds quelques vagues justifications psychologiques (quand l'arrivisme prend les apparences de la volonté divine, ou que la loi plus fort devient une boussole morale). Mais le romancier anglais ne brille pas spécialement par son sens de la nuance.


L'histoire en tant que telle, s'avère pourtant très agréable à suivre. L'ascension de Philipp, ses joutes théoriques avec les autres moines rappelant une version (bien simplifiée) du Nom de la Rose d'Umberto Eco. Les péripéties de Tom, sont une occasion de plonger dans le monde médiéval, avec son fonctionnement féodal, ses soucis de famine, de disette. Et on sent, bien sûr, qu'un travail de documentation rigoureux a été effectué, ce qui rend ces aventures intéressantes au moins du point de vue historique, pour qui aime à s'imaginer le monde tel qu'il fût et fonctionna. Organisation des marchés, guerres entre nobliaux, conclaves théologiques, famine, reliques... Tout ce petit monde est donc comme ressucité par la plume accessible de son auteur, lequel prend même soin de nous balader à travers la France jusqu'à l'Espagne, où l'on côtoie quelques Arabes, lors d'une centaine de pages surprenantes sortant un peu du ronron de Kingsbridge, la ville où se bâtit la cathédrale.


Le noeud le plus dramaturgique, concerne sans doute Aliena, la princesse rebelle, qui s'oppose par moult stratégèmes à l'odieux William (qui, quand même, la viola et arracha l'oreille de son frère, non sans avoir à voir avec la mort fellone de son père). Les férus d'aventure apprécieront donc les quelques séquences de bataille où l'on suit Richard, le frère bourrin et chevalersque d'Aliena et son Nemesis William. Ou des personnages renvoyant parfois à l'horizon d'un conte de fée (Ellen, en sorcière ermite jetant ses malédictions du fond de la forêt, son amour mystérieux et cliffhanger-esque avec un barde tué injustement en prologue). La volonté de ne pas lasser le lecteur, à coup d'ellipse, de morts inattendues, et par l'introduction toujours renouvelée de problématique est louable, d'un point de vue divertissement, mais confère paradoxalement une monotonie routinière. Comme l'impression de lire les premiers tomes de Fondation ou des Robots, d'Asimov, avec autant de nouvelles vus comme des problèmes à résoudre, pas encore tout à fait bien cousu pour en faire une histoire à part entière.


Si on passe donc sur les caractéristiques un peu grand public de l'ouvrage (non-style, manichéisme, péripéties perpétuelles), on appréciera donc cette saga, porté par les sonorités de folk celtisantes de Pentangle, Fairport Convention et autres Steeleye Span ou Trees. Enfin, c'est mon modeste conseil d'écoute musicale thématique !

fan_2_mart1
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le 21 janv. 2021

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fan_2_mart1

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