J'ai eu un peu de mal avec le mode de narration de ce roman : on a en majorité affaire à des témoignages a posteriori. Donc c'est un personnage qui raconte à quelqu'un d'autre et parfois, on a un récit à l'intérieur d'un autre récit si bien qu'on finit par ne plus savoir qui raconte et à qui !
Ceci dit, on se demande ce que Gary aurait écrit s'il vivait encore aujourd'hui et qu'il voyait l'ampleur qu'a prise la crise écologique depuis la parution de ce roman. En tout cas, un lecteur du 21e siècle peut difficilement apprécier un personnage comme Waitari, futur Staline en puissance, qui se dit prêt à éradiquer tous les animaux d'Afrique pour pouvoir couvrir son continent d'usines et de routes au nom du "progrès".
Mais le plus beau dans ce roman, c'est Morel, qui est dépeint en grande partie à travers les témoignages des gens qui l'ont connu donc il passe tantôt pour un farfelu, tantôt pour un merveilleux idéaliste et le personnage n'en paraît que plus fascinant. Et puis, une fois qu'on le rencontre vraiment et que c'est lui qui dit sa vérité...Personnellement, je l'ai trouvé très émouvant dans sa volonté pure et désintéressée de sauver les éléphants et dans sa conception de ce que doit être la dignité humaine. C'est l'histoire d'un homme qui a connu le pire de l'humanité et qui se bat pour lui indiquer le chemin à suivre pour atteindre le meilleure. Et pour Morel, l'humanité, pour se réaliser dans sa meilleure forme, doit accepter de laisser sa place à la nature au lieu de tout écraser dans sa course au progrès. Gary a créé là un personnage dont l'inébranlable confiance en l'humanité touche au sublime ! On a beau se dire qu'il est vraiment trop optimiste, c'est quand même très beau à lire.