Les sources prétentieuses d’une folie annoncée
Défiant les lois de la construction scénaristique, Les racines du mal de Dantec proposent plus une pièce de théâtre en trois actes décousus, artificiellement longs qu’une épopée noire contre le Mal, mais dont les traits principaux semblent annoncer la folie dont sera finalement prise l’auteur quelques années plus tard, rejoignant la galerie de portraits qu’il aime tirer de personnages retors et pervers, sous des apparences de gendres idéaux.
Commençant comme une traque furieuse contre un psychopathe digne de ce qualificatif, les deux cent premières pages éveillent l’intérêt d’un lecteur avide de rance, de glauque, de surprises malsaines et de psychologie du chaos. On ne comprend pas bien où le livre, qui semble finir quand il commence, veut en venir, mais on suppute sur les racines du mal qui semblent fichtrement bien engagées.
Sauf que le but n’est pas là et le deuxième acte, poussif, présentant tant de choses disparates sans intérêt, coupées par des longueurs pas moins inutiles, dans un style qui plus est fade, convainc presque de laisser tomber. Ce qui sauve les racines du mal, c’est le talent de Dantec pour raconter l’inracontable. Le sale, le malaise, l’horreur. Simple, l’écriture montre dans ces moments toute sa force, et tant pis pour le reste. Les sources mythologiques ont beau être intéressantes, elles se noient dans un blabla indigeste dont on ne voit pas le bout. Les litanies ne noms et de situations, les descriptions qui durent des pages et n’apportent strictement rien au récit, jusqu’à certains personnages, parfaitement encombrants, viennent polluer un récit qui aurait gagné à faire deux cents pages de moins.
Et le bout, ce troisième acte venu conclure de manière presque abrupte une enquête si minutieuse, longue et — il faut le dire — chiante et prétentieuse, malgré les trouvailles relevant de l’univers futuristique et d’une science fiction dont l’auteur gave le lecteur par une overdose de détails insignifiants et vieillots, le bout ne se révèle pas à la hauteur des débuts. Comme si la plongée dans les abysses du mal, en dépit d’une bonne dose de suspense, n’était qu’un dédale sans queue ni tête, pavé de déceptions grandissantes.