Je vous salue Mâme Joad, pleine d'amour, pleine de courage, pleine d'abnégation, pleine de tant de grâces. Je vous salue les Joad, pleins de générosité ; et plus que jamais dans l'adversité.
Je vous salue, riches que vous êtes, plus que tous les nantis réunis du monde entier, de vos coeurs et de vos âmes dévoués.
Joad, Wlison, Wallace, Wainwright… ils sont la vraie Humanité, malgré leurs pieds crottés. L'homme avec un grand H, qui sait qu'il n'est qu'une part d'une seule communauté, élément d'un grand tout, parcelle d'un unique monde, membre d'une seule famille. Ils savent, eux qui n'ont pas oublié, que la seule loi qui vaille, la seule règle qui importe, c'est de se soutenir, c'est de s'aider. C'est le seul sens de la vie, la seule direction à prendre. C'est le plus grand plaisir qui soit, celui de partager. C'est le seul moyen d'être grand, l'unique accès à la dignité.
Il en sera pour dire que c'est une vision angélique. C'est rigoureusement faux ! Des sociétés premières qui ont vécu sans État, contre l'État même (P. Clastres) et dans l'égalité, uniquement régies par le don et le contre don, et vécurent plus longtemps que tous les empires battis par des conquérants, à toutes les manifestations de solidarité qui s'observent, chaque fois, lors des grandes catastrophes (R. Bregman), l'histoire de l'humanité, de ceux qui la peuplent en grand nombre, même s'ils ne l'écrivent pas, de ceux qui l'honorent même s'ils ne nourrissent pas nos imaginaires fourvoyés, cette histoire noble comme un chêne, dont chaque branche porte mille fruits, tire sa sève de l'entraide.
Mais nous continuons d'enseigner Taylor, ce fou furieux qui choisissait l'ouvrier le plus habile et le traitait comme un gorille, estimant nécessaire de le rééduquer pour qu'il travaille comme il faut. Les Joad, superbe illustration de l'histoire populaire de la science (Conner) ne sont-ils pas l'intelligence-même ? L'adaptation personnifiée ?
Mais nous continuons de d'encenser Hobbes, Machiavel et tous les prétendus penseurs de la politique qui estiment que les hommes sont mus par un gêne égoïste qu'un tyran doit mater. Les Joad et tous leurs frères, sublime incarnation de la loyauté, de l'engagement, du courage et de la force au service de tous, ne sont-ils pas le plus noble visage d'une autre histoire, populaire, fière, belle, de l'humanité (P. Kropotkine, F. Scheidler, F. van Ingen… P. Servigne et G. Chapelle…) ?
Toutes ces valeurs que l'on promeut et dont on veut faire croire qu'il faut les réhabiliter, quand elles sont, en réalité, empêchées dans nos organisations, bafouées par nos institutions, subverties au sein de notre culture même, ne sont-elles pas le ciment de la décence ordinaire (Orwell) ?
Socialisme, communisme, mutualisme, convivialisme, qui se soucie chez les Joad de donner un nom à la seule manière de rester humain ?
Vivre c'est essayer. Essayer c'est trébucher. Se relever c'est persister. Et parvenir c'est alors comprendre, qu'il n'existe qu'un moyen, au service d'une seule fin : s'unir. Vivre une vie d'homme ne se conjugue jamais au singulier. Être nécessite d'être… ensemble.