Exceptées deux très belles adaptations cinématographiques résultant de son Oeuvre (d'une part le magnifique A l'Est d'Éden de Elia Kazan, d'autre part l'efficace et fédérateur Des souris et des hommes de Gary Sinise...) je ne connaissais John Steinbeck que de réputation : celle d'un naturaliste américain préoccupé par les questions humaines et ses valeurs telles que la justice, l'entraide et le partage concernant tout un chacun.


Prodigieuse révélation littéraire de mon Panthéon personnel Les Raisins de la Colère est de ces ouvrages romanesques à l'évidence certaine, morceau d'anthologie conjuguant la verve argotique de sa poignée de personnages à la splendeur des descriptions de l'auteur sus-cité. Particulièrement dense et relevé sur le plan de l'écriture ce roman publié au crépuscule des années 1930 narre l'errance - l'exode plutôt - d'une famille de fermiers originaires de l'Oklahoma chassés de leur propriété par l'hégémonie capitaliste. De Charybde en Scylla les Joad s'enfonceront de jour en jour, de semaine en semaine dans la plus profonde des misères sociales... misère miraculeusement désamorcée par leur authentique pulsion de vie : la colère titulaire d'une fable hautement poignante, développant toute une saga familiale empreinte de rédemption et d'un salut dont on ne saura jamais s'il demeure probant ou simplement illusoire au sortir du roman...


Entre les visions terribles d'un tracteur jalonnant les terres dépeuplées d'hommes et de femmes au gré de trajectoires abstraites et redoutables, celles d'un protagoniste fraîchement libéré de prison suite à une simple rixe qui aurait mal tourné mais qui - finalement - s'avérera bien plus sage et responsable que d'autres membres de sa tribu ou encore de ce magnifique chapitre tenant lieu dans les vergers de l'arrière-pays californien ressemblant à un terrifiant supplice de Tantale pour cette multitude d'immigrés affamés Les Raisins de la Colère est une Oeuvre des plus puissantes, allant jusqu'à l'os d'une humanité luttant quotidiennement pour sa propre survie. L'ennemi des personnages dépeints par Steinbeck - même si invisible et quasiment hors-texte - demeure l'un des plus froids et des plus implacables que la littérature du XXème Siècle fut capable de nous exposer : un Capitalisme assassin contre lequel la communion du genre humain pourra, peut-être un jour, accoucher d'un grand soir mâtiné de pain et de lumière.


Les dernières lignes du roman figurent parmi les plus belles jamais lues auparavant me concernant ; fausse image d'Épinal dépourvue de sentimentalisme grossier et réducteur cette coda romanesque est le témoignage d'un auteur ayant foi en l'Humanité, et surtout en celle des opprimés qui trouveront force en leur union mêlée de détresse et de rage de vivre. Bouleversant, tout simplement.

stebbins
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le 16 sept. 2023

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stebbins

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