Le robot d'Asimov est un prétexte pour parler de l'humain. Ça peut sembler une évidence, mais lorsque je lis que des experts en robotique s'inspirent de ces récits pour leurs créations en IA, je reste dubitatif. Asimov a beau être un scientifique, ses fameuses Trois Lois sont avant tout littéraires: trop vagues, elles suscitent nombre de situations paradoxales qui ne peuvent être résolues que par l'enquête policière, nerf de guerre de ces nouvelles de jeunesse.
Le canevas est ludique, plaisant, un peu répétitif cependant, mais pas trop. Le robot est un humain presque parfait, sincère, honnête, profondément bon. Ses défauts sont invariablement le fruit d'une anomalie dans l'équilibre des Trois Lois. L'ipséité du robot est un mystère. Son cerveau positronique confond les notions de hardware et de software dans une sorte de nonchalance joyeuse. Le propos n'est pas scientifique, même de loin.
Tout l'intérêt nait du robot pris comme un miroir de l'humanité. Les meilleures nouvelles du recueil sont celles qui examinent une faiblesse majeure, une faille de notre espèce pour la traduire en comportement robotique erratique. L'humain n'est rien d'autre qu'une machine déséquilibrée par ses émotions.
Ce point de vue psychologique est la vraie originalité du recueil. Mais le décorum n'en est pas pour autant dépourvu d'intérêt, en évolution au fil des nouvelles qui suivent un ordre chronologique. Asimov parvient ainsi à dresser le tableau d'un demi-siècle d'histoire du futur, partant d'un conte enfantin mettant en scène un robot baby-sitter (Robbie), aboutissant à une étude géopolitique d'un monde vaincu par la globalisation (Conflit évitable).
Souvent amusant, par moment visionnaire, ce premier opus ne peut se voir reprocher trop durement la grande fadeur de ses personnages humains (exceptés peut-être Powell et Donovan, gentlemans cyniques qui collectionnent les embrouilles) tant il semble évident que, dès le début, Asimov a tenté de s'intéresser à une trame plus vaste, plus globale.