S'il fallait résumer le propos de Senécal dans Les Sept jours du talion, j'utiliserai sans hésiter cette citation de Hobbes tirée de son oeuvre majeur Le Léviathan.
En effet, dans ce roman publié en 2002, le "Stephen King" québécois s'attache à délivrer une intrigue profondément psychologique, imprégnée de barbarie et d'horreur, afin de pousser le lecteur au questionnement autour de la Justice.
Le point de départ de cette oeuvre est le viol et l'assassinat de la fille du chirurgien Bruno Hamel. De cet événement effroyable s'en suivra un déchaînement de haine et de cruauté durant 7 longues journées durant lesquelles notre personnage principal s’attellera à appliquer SA justice sur le monstre qu'est le tortionnaire et meurtrier de sa fille.
Et c'est bien sur cette pente glissante que l'auteur souhaite nous amener à travers le récit du drame touchant Hamel et sa femme. Comment réagir face à un tel drame ? Faut-il s'en remettre à la Justice (pure abstraction) ou se faire justice soi-même quitte à devenir, nous même, aussi monstrueux que le coupable présumé du viol et meurtre d'un être cher ?
Face à ces interrogations qui nous parviennent tout naturellement à la lecture du roman, l'auteur apporte quelques réponses. D'abord à travers le descriptif glauquissime qu'il fait des sévices endurés par Lemaire tout à la fois scalpé, amputé, frappé et humilié. A chaque jour, son supplice. En allant crescendo dans la cruauté, Senécal parvient à nous mettre mal à l'aise. Car, bien que conscient des agissements criminels de Lemaire, il n'en demeure pas moins que personne ne souhaiterait subir ce déchaînement de haine mais en même temps tout le monde a déjà pensé à faire le pire à celui qui oserait porter atteinte à un membre de sa famille. En ce sens, le lecteur est tiraillé entre cautionner l'acte, bien que cruel, de Hamel et prendre pitié pour Lemaire. De victime, Hamel devient lui-même criminel voire pire tortionnaire même si, entre plusieurs hésitations, il se persuade du bien fondé de son action (notamment lorsqu'il découvre que Lemaire n'en est pas à son premier coup d'essai).
Une autre réponse est explicitée à travers le personnage de l'inspecteur chargé de résoudre l'affaire et donc de retrouver Hamel et le prévenu. Celui-ci a vécu une histoire assez similaire à celle du chirurgien. Mais lui s'en est remis à la machine judiciaire pour "venger" la disparition de sa femme, tuée de sang froid. De fait, en allant rendre visite au meurtrier de celle-ci en prison, il fait la part des choses et au final, sans tomber dans la vengeance privée, il met en avant l'efficacité de la justice qui permet d'exposer le coupable à ses remords sa vie durant (une forme de torture psychologique plus que physique).
Enfin, de la même manière que le film L'affaire SK1 de Frédéric Tellier, sorti en 2015, Les Sept jours du talion pointe du doigt l'effet néfaste de la médiatisation de ce genre d'affaire. Se sentant traqué, Hamel tire profit des médias pour faire chanter les inspecteurs et les mener sur de fausses pistes.
En conclusion, ce roman morbide, indubitablement noir, est dérangeant, troublant mais pousse à la réflexion sur la nature humaine confrontée à ses instincts. En cela, se sentant menacé, l'homme redevient animal et même la loi du Talion, règle de limitation de la vengeance exprimée plus couramment par la phrase "œil pour œil, dent pour dent", ne suffit pas pour l'empêcher de commettre le pire.