Claire revient au pays, vers Dinard, pour le mariage de sa cousine, Mireille Methuen, fille de la tante qui l’a élevée. Sur le marché, elle rencontre Madame Ladon, Fabienne qui lui donnent des nouvelles. Et puis, il y a Simon, l’amour, l’adoré, le jamais oublié. En le rencontrant, elle retrouve sa passion intacte, voire exacerbée par les années d’absence. Pourtant, rien ne se fera comme elle aurait tant voulu. Simon est marié, père d’un garçon handicapé et… Il ne les quittera jamais, jusqu’à ce que la mort le prenne un beau matin sur son bateau. Elle a tout vu et sait… ou imagine.
La mort ne les a pas séparés. « A partir de la mort de Simon ce fut la paix. Une paix étrange, totale, vint sur Claire. Une paix inentamable atteignit Claire. Il en est allé ainsi de tous les jours qu’elle vécut à partir de là. Tout était accompli et elle survivait simplement à cet accomplissement. » Elle vit avec Simon. Il est dans les herbes et les ajoncs qu’elle foule de ses pas tranquilles ou nerveux. Il est dans les nuages, la tempête. Bref, il est avec, en elle. « Chaque soir c’est le même rêve : elle rêve qu’elle vit avec lui, elle lui raconte sa journée. Elle lui fait part des évènements du jour et lui demande ce qu’il en pense. »
C’est décidé, elle reste. Son frère vient vivre avec elle. A la mort de leurs parents, ils ont été séparés. Elle chez les parents de Mireille, lui en pension. « Il y avait entre eux une harmonie qui était étonnante à voir… c’était magique… »
La vie de Claire, ce sont les autres qui en parlent. Son frère Paul, « Je pense que ma sœur était un chemin perdu au-dessus de la mer ». Juliette sa fille, le prêtre Jean… Un livre polyphonique difficile à résumer ; un livre où le non-dit est érigé en maître mot. Ce qui frappe est de voir que personne n’a la clé de Claire, personne ne la comprend entièrement. Pourtant, l’impression qu’elle manque à tous. Les descriptions sont superbes. Je marche dans la lande bretonne au rythme des pas de Claire et des mots de Pascal Quignard. Claire aime sa lande, aime sa Bretagne. La nature la soigne la guérit, lui permet de rester debout. Elle est la roche sur laquelle elle se pose, le goéland qu’elle regarde voler, l’herbe et les fleurs où elle se couche. C’est bien simple « Elle s'était mise à sentir, en vieillissant, une odeur douce de sueur, de foin, de sel, d'iode, de mer, de granite, de lichen.»
J’aime ce titre « le solidarités mystérieuses ». Voici la définition qu’en donne Pascal Quignard : « Ce n'était pas de l'amour, le sentiment qui régnait entre eux deux. Ce n'était pas non plus une espèce de pardon automatique. C'était une solidarité mystérieuse. C'était un lien sans origine dans la mesure où aucun prétexte, aucun événement, à aucun moment, ne l'avait décidé. Bien sûr ils avaient partagé des scènes cruelles, partagé des deuils, quand ils étaient enfants, ils avaient pleuré l'un à côté de l'autre, mais jamais un pacte n'avait été prémédité et conclu entre elle et lui. »
L’écriture de Pascal Quignard m’enchante toujours autant. Quelle élégance, quelle belle façon de nous parler de la complexité des rapports humains. Je suis encore sous le charme de ma lecture.