Cette histoire était une de celles qui me fascinait enfant et cela faisait longtemps que je voulais lire l'intégrale car je l'avais seulement entamé à l'époque.
Je dois dire que je fus un peu déçu, peut être en attendais-je trop de ce classique passé dans l'inconscient collectif.
C'est un roman de bonne facture qui contient plusieurs moments très savoureux mais qui souffre aussi de certaines longueurs - compréhensibles quand on sait qu'Alexandre Dumas était payé à la ligne comme beaucoup d'auteurs de ce temps, édités dans des journaux et qui devait donner dans le feuilleton pour fidéliser leur lectorat - et de certaines incohérences.
Ces dernières s'expliquent sans doute par le fait que Dumas n'écrivait pas seul, en effet il avait un travailleur de l'ombre: Auguste Macquet, historien aux aspirations d'écrivain qui réalisait une première ébauche constituant une véritable ossature sur laquelle Alexandre greffait ses talents de romanciers. Il était ainsi quitte de toutes les fastidieuses recherches historiques.
Ce point se révèle à partir de la seconde partie du livre dans laquelle on observe des maladresses de style difficilement explicables. Un autre exemple, beaucoup plus gênant celui la est quand un des personnages féminins principaux, Madame de Bonassieux, change de caractère en cours de route et de brune châtain entreprenante devient blonde irrésolue...
Le style d'écriture ne m'a que rarement tout a fait embarqué dans l'aventure et j'ai noté un certain déséquilibre dans la narration : les dialogues étant omniprésents et les scènes d'action très vite expédiées.
L'absence de description et de spatialisation m'a plus d'une fois manqué et déstabilisé surtout lorsqu'on navigue entre 8 personnages : les quatres mousquetaires et leurs valets, sans compter les autres gravitant autour. Il vaut donc mieux, pour apprécier pleinement le roman, posséder des notion historiques sur la période couverte.
Parlons en de cette période qui offre à Dumas tous les ingrédients romanesques dont il a besoin pour donner corps et attrait à son récit: c'est celle du début du 17ème siècle, celle de la France de Louis 13 et du cardinal de Richelieu, des intrigues de cour et des guerres avec les anglais, une époque de panache et de duels encore baignée dans l'aura de la Renaissance.
C'est d'ailleurs une des forces de l'auteur, d'avoir su exploiter ingénieusement ce matériau, je pense notamment au personnage du roi, extrêmement bien rendu, que j'aurais voulu plus présent, qui au détour d'une partie de jeux d'échecs avec "Son Eminence "dispute le prestige de ses mousquetaires à celui des gardes du cardinal. Il a su parfaitement faire ressortir le caractère mal assuré de ce jeune roi ayant du grandir dans l'ombre d'alliés puissants et qui tente maladroitement de s'émanciper de leur influence tout en maintenant l'air le plus royal possible ainsi que cette figure renarde et matoise du cardinal, de cet esprit planificateur et impitoyable menant d'une main de fer les affaires du royaume si bien qu'une véritable paranoia se saisit de nos compagnons lorsqu'ils redoutent ses agents pouvant se déguiser sous les traits de tout un chacun.
Venons en désormais à ceux que tout le monde connaît de nom, c'est à dire les trois mousquetaires, lesquels sont en réalité quatre en comptant d'Artagnan.
Ceux ci sont en fait, sous bien des rapports, des connards finis, brutaux envers leurs "inférieurs" et fidèles serviteurs et manipulateurs en diable (surtout d'Artagnan). Ils agissent avec condescendance et rampent devant l'autorité hormis celle du cardinal et encore seulement jusqu'à un certain point dans l'intrigue alors qu'ils n'hésitent pas à abuser de la leur à l'occasion.
J'en veux pour preuve ce passage dans lequel d'Artagnan se félicite d'avoir administré des coups de bâton à son valet à la première faute commise par celui ci car il se tient à présent coi et obéissant !
Ce point ne me dérangerait nullement si je n'avais pas le sentiment que l'auteur voulait me les faire tant admirer.. Mais passant, reste que le ton léger du narrateur nous réserve quelques beaux moments de dialogues cocasses et d'une finesse d'esprit charmante étant parvenus quelquefois à me faire rire tout haut .
On peut constater un certain essoufflement après l'excellent premier quart du livre qui installe remarquablement nos protagonistes comme lorsque d'Artagnan fraichement débarqué de province, sans le sou, en vient de par son tempérament bouillant de gascon à s'attirer comme ennemis pour les motifs les plus futiles ou malencontreux chacun des trois mousquetaires séparément et qu'acceptant chacun de leur défi de duel, ils se retrouvent petit à petit tous réunis au lieu dit à leur plus grand étonnement. Cela nous offre une belle floraison de courtoisie entre gentilhommes d'honneur que n'aurait point renié Cyrano de Bergerac.
Si je le compare au "portrait de Dorian Gray" ou même au "Hauts de Hurlevents" , le livre a bien plus vieilli et les dialogues sans fins tenant parfois sur des pages de conciliabule pour savoir comment répartir la trésorerie mettent la patience à rude épreuve. Heureusement, c'est souvent pour mieux rebondir par exemple lors du délirant dernier acte de l'histoire ou il nous est donné de connaître un personnage féminin des plus diaboliques décrits avec un certain humour par l'auteur.
En parlant de cet humour et de cette distance dans la plume de Dumas, je l'ai trouvé parfaite pour les passages de camaraderie rocambolesque entre nos compères mais elle m'a gêné dans les moments tragiques et dramatiques comme s'il avait voulu éviter de se livrer totalement à son récit.
En conclusion, "Les trois mousquetaires " demeurent une excursion intéressante dans ce 17ème siècle bigarré et si vous êtes à la fois chasseur de classiques et amateur de romans historiques, n'allez pas bouder votre plaisir. Je reste pour ma part sur mes réserves bien que j'aie passé un bon moment, je l'ai trouvé un peu longuet. La légende tient bel et bien mais l'oeuvre a du mal à la contenir.