De l'art noble à l'art brut
Difficile de juger de ce livre étant donné qu'il s'agit d'une compilation des lettres de Vincent envoyées à Théo et que le peintre n'a jamais souhaité publier cela. Puis ce ne sont que des lettres. Alors quoi, sommes nous là pour juger sa vie ?
Disons qu'une fois mis par écrit on peut prendre de la distance. Le lecteur va s'imaginer un personnage qui sera alors plus réel que ne l'a été Van Gogh, car ce personnage, le lecteur va le façonner et le connaître mieux que s'il avait dû rencontrer l'artiste.
On peut donc partir de ce postulat là : "Lettres à son frère Théo" est une fiction jouant sur les codes de la narration sur un mode épistolaire.
Le défaut, c'est la longueur. 560 pages c'est énorme et il faut bien admettre qu'il y a beaucoup de rédondance (Van Gogh écrit tellement souvent qu'il n'a parfois rien de neuf à dire, il se contente alors de reprendre les mêmes points). Il est également difficile de juger de ce qu'il se passe réellement si l'on n'a pas un petit historique de sa vie sous la main. Par exemple Van Gogh n'écrit nulle part qu'il se coupe l'oreille, mais il parle d'un hopital, il parle d'une prostituée auprès de laquelle il aimerait s'excuser.
Et puis il y a le ton, révélateur de son état mental. La lettre la plus choquante reste celle dans le premier quart du livre où il se fâche sur son frère qui ne lui a pas envoyé d'argent pour payer son loyer. Une colère qui choque vu que son frère fait tout pour lui. Puis ses constructions de phrase absurdes sur la fin (on peut féliciter les traducteurs).
Autre intérêt : le peintre nous dévoile ses lectures du moment. Il est d'ailleurs amusant de constater son évolution au début où il privilégiera la bible à tout autre roman et puis l'inverse. Il émet aussi des critiques sur les artistes de son temps et puis surtout une auto-critique de son art, ce qui est toujours intéressant.
Van Gogh est donc un personnage passionné, un peu fou, entier dans son art, souvent à côté de la plaque même lorsqu'il veut bien faire. Il le dit lui-même : il regrette souvent les idées dans lesquelles il s'est lancé.
Bref, "Lettres à son frère Théo" est intéressant pour connaître les pensées intimes de cet artiste perturbé. C'est un peu long à lire vu la quantité de lettres, mais on ne s'ennuie jamais.