Quand un jeune Rilke donne des conseils d'écriture à un encore plus jeune poète, ça donne cela. Dix lettres d'un style plutôt remarquable, cependant, d'une prétention hors normes. Pour Rilke, la littérature - et plus spécifiquement ici, la poésie - doit se rapprocher de la vie, de l'expérience. Oui parce qu'en disant cela, notre cher Rilke prétend détenir une vérité ignorée de nombreux auteurs, auteurs qui lui apparaissent comme futiles, comme de faux artistes. Parce que pour lui, il faut trouver pourquoi on écrit, il faut trouver des vérités au fond de son être. On accouple cela avec un prêchi-prêcha religieux et voici qu'on rejoint un Gide des Nourritures terrestres, en moins bien.
Ok, la solitude est importante pour l'art, je suis d'accord. Mais bon, on dirait de nos jours que Rilke se prend un peu trop au sérieux. Il était peut-être trop optimiste, aveuglé par l'idéalisme de sa jeunesse. Je préconiserais plutôt un certain détachement de soi-même, comme il préconisait judicieusement un détachement du monde pour mieux le comprendre. Il ne faudrait pas entrer en soi-même, mais au contraire sortir de soi, le recul est nécessaire. C'est une question de point de vue. Ce n'est pas parce que je ne suis pas d'accord que c'est mauvais, loin de moi cette idée...
MAIS, je dois dire que la position de Rilke face aux critiques est insoutenable pour moi, jeune intellectuel en herbe. Analyser une œuvre ce n'est pas la détruire, la déformer, au contraire, c'est l'enrichir. Pour qui Rilke publie-t-il alors ? Pour des lecteurs inconscients qui ne peuvent apercevoir son subterfuge ? Le dehors est important, je crois, contrairement à ce qu'il essaie de faire croire. J'avoue cependant que la critique à l'époque n'était pas ce qu'elle est devenue aujourd'hui. Mais quand même, Rilke avait-il peur de se faire démolir par ses contemporains ? Avait-il peur de trouver ces vérités qu'il cherche dévoilées par des lecteurs ?
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