Attiré par un titre majestueux, il faut bien le dire, et par le statut d'une œuvre colossale (dans tous les sens du terme), je me suis décidé à lire le fameux Léviathan de Hobbes.
Dans un pavé digeste et bien structuré, l'auteur britannique part du constat que l'Homme, d'un état de nature reposant sur les lois naturelles (qu'il résume par la formule : "ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas que l'on te fasse") décide de constituer, dans le but d'assurer sa sécurité, un État civil. Et Hobbes de nous expliquer que cet État trouve sa puissance ou en tout cas son fonctionnement absolu dans la puissance souveraine.
Comme un Spinoza, il s'appuie sur une approche et une construction géométrique de la philosophie, la considérant comme essentielle et à la base de cette discipline. Il débute ainsi par des définitions pour que les mots et notions qu'il compte employer par la suite aient bien le sens qu'ils devraient avoir et non pas un sens pollué par des idées reçues ou des faussetés préétablies dans notre cerveau.
D'autant plus que l'auteur souhaitait faire de son œuvre un enseignement académique rompant avec le précédent (fondé principalement sur la pensée d'Aristote).
Cette rigueur est appréciable, plutôt didactique et compréhensible malgré l'aspect aride du sujet traité (de prime abord en tout cas) et entraîne le lecteur vers les chapitres et parties suivants qui s'attacheront à parler de L’État civil, de L’État chrétien, et de fixer les "règles" de souveraineté dans de nombreux cas. Hobbes est très clair sur le fait que le pouvoir spirituel ne peut empiéter sur le pouvoir du souverain (qui n'est pas forcément monarchique même si l'on sent poindre que l'auteur le considère comme plus à même d'exercer une autorité souveraine efficace) et que l'obéissance civile ne va pas à l'encontre de l'obéissance à Dieu puisque, notamment (mais je résume à l'extrême), le royaume de Dieu n'étant pas de ce monde et l'Homme étant confronté à sa propre finitude, la création d'un État civil et l'obéissance au détenteur du pouvoir souverain qui en découle ne sont pas en opposition à la croyance et l'obéissance envers Dieu.
Je ne rentrerai pas plus dans les détails pour ne pas allonger plus que de raison cette critique, mais dirai plutôt que Hobbes est parvenu à traiter son sujet avec beaucoup de méticulosité, sans le rendre trop lourd pour autant, même si à de rares moments il part dans une litanie de détails un peu inventoriés et que le chapitre "Du pouvoir ecclésiastique" est beaucoup trop long pour ne pas être indigeste (en rupture avec le reste du texte) ; l'ensemble se révèle passionnant, important et intellectuellement très riche, le philosophe s'appuie sur les textes bibliques (certains passages faisant presque office de commentaires de texte) et sur la géométrie pour mieux analyser la fondation du pouvoir spirituel et la caractéristique de sa Loi ainsi que l'état de l'être humain, ses motivations et la constitution de L’État civil.
Passionnante quasiment de bout en bout, l’œuvre de Hobbes mérite l'attention et l'étude d'un lecteur même peu au fait de la philosophie, qui suivra le cheminement clair et progressif d'une pensée rigoureuse et précise, s'attachant à des questions finalement toujours d'actualité sur certains aspects. Quitte à le relire (comme je le ferai sûrement) une seconde fois pour mieux en saisir toutes les nuances et finesses.