Qu'est ce qui permet au Léviathan d'être considéré comme un monument de la littérature philosophique et politique ? Au-delà du simple fait de pouvoir se vanter d'avoir lu une oeuvre mondialement reconnue de près de mille pages, la réponse se résume à sa date : 1651.
Ce livre suit chronologiquement deux événements politiques majeurs, l'un national, l'autre international. En 1648, les traités de Westphalie sont signés pour mettre fin à la guerre de trente ans. C'est le début du système westphalien qui va être le système international en place pendant près de 300 ans. De l'autre, en 1649, le roi d'Angleterre Charles 1er, est décapité, mettant en principe un terme à la monarchie anglaise et du moins la remettant très sérieusement en cause.
Une question se pose ainsi. Pour lequel de ces deux événements Thomas Hobbes a-t-il écrit le Léviathan ? Est-ce pour théoriser le tout nouveau système international ? Ou pour disserter sur les troubles qui agitent son pays ? La réponse est évidente, le Léviathan était fait pour les anglais, bien que certaines des idées qui y sont retranscrites se voulaient universelles d'application. Pour résumer, Thomas Hobbes se contrefichait de la paix Westphalienne, ce qui importait pour lui c'était qu'une royauté anglaise forte puisse alors régner sur son pays.
C'est là que le premier problème se pose concernant le Léviathan. Ce n'est absolument pas une oeuvre qu'on pourrait qualifier de parfaitement "honnête". A aucun moment Thomas Hobbes part d'une idée et l'analyse pour un conclure quelque chose. Thomas Hobbes connait déjà sa conclusion : la royauté c'est super et crée tant bien que mal, mais plus mal que bien, un raisonnement intellectuel pour supporter cette conclusion. De là va découler les nombreux problèmes qui minent ce livre. D'une base instable, il est difficile de tirer un édifice qui soit droit.
Au premier rang d'entre eux la délimitation de son sujet. Le Léviathan obéit à une tradition grecque fort heureusement disparue. Tradition qui croit que pour être complet, il faut partir de rien et aller au tout, on tente ainsi de définir l'alpha et l'oméga. La première partie commence sur les sens des hommes, avant de bifurquer très maladroitement sur l'Etat, puis sur Dieu (l'idéal) et enfin le Diable (le risque). De ces quatre parties, seule la seconde (l'Etat) n'a aujourd'hui d'intérêt.
Le second problème tient au plagiat. Hobbes est une personne qui a une certaine idée de lui-même à défaut d'avoir des idées à lui. Pour écrire un livre digne de sa grandeur il va donc décider "d'emprunter" celles des autres. Hobbes ne citera pratiquement jamais ses trois "inspirations" majeures : Aristote pour l'aspect philosophique et sa théorie des différents régimes politiques ; Bodin pour sa théorie sur la souveraineté d'un Etat (Bodin n'est d'ailleurs jamais cité si je ne m'abuse) ; enfin Thucydide pour son refus de considérer la morale dans les rapports politiques. Je rigole souvent doucement d'entendre des gens affirmer que Montesquieu aurait pompé le Léviathann, quand on sait ce qu'est le Léviathan c'est un comble ! Quand Hobbes se retrouve face à une question que ses prédécesseurs n'ont pas réglé pour lui, il va invoquer le "deus ex machina" le plus connu de tous : le deus lui-même, Dieu pour les intimes.
Il serait intéressant de se rappeler que si aujourd'hui on insiste sur la seconde partie du livre concernant l'Etat, à l'époque personne n'en avait quelque chose à faire. Si le Léviathan a fait parlé de lui en 1651, c'est pour ses considérations sur Dieu et notamment l'idée nouvelle à l'époque qu'on ne connaissait peut être finalement pas Dieu si bien que cela, une parole considérée comme hérétique.
Quels sont donc les apports supposés du Léviathan ? Il faut bien qu'il y en ait n'est-ce pas ? En réalité il n'y en a aucun. Thomas Hobbes n'a rien inventé. Son seul intérêt est d'avoir écrit un livre au moment de la naissance du système Westphalien sans le savoir et au travers de ses différents plagiats d'avoir rassemblé maladroitement la pensée politique de Thucydide à Bodin, permettant encore aujourd'hui d'être une base très stable pour citer le début et les idées de ce système Westphalien.
Je ne conseille absolument à personne de perdre son temps à lire les 1000 pages de cet ouvrage facétieux. Retenez les apports qu'on lui prête, où lisez les originaux ("la Politique" d'Aristote, les "six livres de la République" de Bodin et "La Guerre du Péloponnèse" pour Thucydide), mais ne vous ruinez pas les yeux pour Thomas, il n'en vaut pas la peine.
A la plus grande arnaque de l'Histoire de la littérature politique, philosophique mais pas seulement, Thomas nous ne te remercions pas et nous ne te regrettons pas. J'espère un jour boire un coup à la prise de conscience du monde de la fraude que tu étais.