Un livre plus axé sur sa vie que sur sa carrière
Si vous aimez les Rolling Stones, ce livre va vraisemblablement vous plaire. Keith Richards nous raconte la genèse du groupe, son amour du blues américain, ainsi que de nombreuses anecdotes sur sa vie en tournée. Sa relation avec Mick Jagger sert de fil rouge à l'histoire, et pour résumer les choses, on peut dire qu'ils ont été proches jusqu'à ce que Keith décroche de l'héroïne à la fin des années 70. Dès que ce dernier a refait surface et qu'il a voulu s'intéresser de plus près au business des Stones, les choses ont commencé à s'envenimer, et le moins que l'on puisse dire, c'est que Keith n'y va pas de main morte avec son "ami" Mick : il le traite de diva, se moque de sa carrière solo, et lui reproche ses multiples combines dans le dos du groupe. De toute façon, mis à part le batteur Charlie Watts, personne ne trouve grâce à ses yeux, et surtout pas Brian Jones, pourtant décédé en juillet 1969. Bien qu'il lui ait piqué Anita Pallenberg pendant qu'il était à l'hôpital, Keith n'a aucune pitié pour lui et se révèle extrêmement virulent à son égard.
Tout aussi surprenant : Bill Wyman et Mick Taylor ne sont presque pas cités alors qu'ils ont fait partie de la grande histoire des Stones, Keith préférant nous saouler avec les méfaits de Freddie Sessler, Bobby Keys ou Gram Parsons (alias ses potes de débauche). C'est à mes yeux le gros défaut du bouquin : à partir des années 70, l'histoire des Stones ne devient plus que secondaire, Keith préférant nous parler en détail de sa vie personnelle et de ses frasques liées à la drogue. Autant être clair avec vous : le sujet principal de ce livre, ce n'est pas la carrière des Rolling Stones, mais bel et bien la vie de Keith Richards (le livre s'appelle LIFE et non pas CAREER). "Keef" semble toujours fasciné par ses divers trips, et il affiche une véritable complaisance à ce sujet. Quelques histoires de piquouse, ça va, ça peut faire sourire quand on connaît le personnage, mais quand ça occupe les 2/3 des pages, c'est tout simplement répétitif et ennuyeux.
Keith a aussi une fâcheuse tendance à romancer sa vie et à se victimiser dès qu'un pépin lui arrive : il englobe les flics, les juges et les gouvernements dans un même sac, et se décrit souvent comme un chevalier blanc en rébellion face à un système pourri. Pourtant, quand on lit entre les lignes, on se rend compte que malgré le fric et le succès, le petit gars de Dartford est resté un plouc odieux, compulsif et exigeant avec son entourage. Toujours armé d'un couteau et sujet à des crises de violence, il attend qu'on lui pardonne tous ses excès et n'accepte en contrepartie aucun écart de conduite chez les autres. Bonjour la contradiction...
Le gros point fort de ce bouquin, c'est son style d'écriture : en gros, on a l'impression d'être accoudé à un bar avec Keith au cours d'une longue soirée où il nous raconterait sa vie de A à Z, et croyez-moi, il lui en est arrivé de belles ! Le style est très oral, très vivant, et on a l'impression de l'entendre quand il s'énerve ou quand il balance une crasse sur tel ou tel bonhomme... Mais globalement, le récit est aussi très décousu : il y a quelques répétitions, des incohérences, et on passe souvent d'un sujet à l'autre sans transition. Keith grossit souvent le trait et n'hésite pas à insérer des témoignages de son entourage au sein de son récit, ce qui alourdit assez nettement la lecture. Cette autobiographie aurait vraiment gagné à être relue une paire de fois pour supprimer les redites, mais aussi pour élaguer toutes les histoires relatives à sa famille ou à d'illustres inconnus. Parmi les sujets qui n'ont pas le moindre intérêt, je peux citer en vrac le détail des sessions avec les X-Pensives Winos, le récit de ses voyages en Afrique du Sud et en Jamaïque, sa recette de la purée aux saucisses ou encore tout ce qui a trait à ses animaux domestiques. J'ai beau avoir une certaine tendresse pour Keef, je me suis sacrément ennuyé pendant ces longues pages qui n'avaient rien à voir avec la musique des Stones... Mais bon, dès qu'il parle de sa carrière, c'est absolument passionnant, et désormais, je n'ai plus qu'une idée en tête : enchaîner avec le livre "Rolling with the Stones" écrit par Bill Wyman en 2003, histoire de confronter leurs deux points de vue et de savoir une bonne fois pour toutes ce que ça faisait d'être un Rolling Stone...