Dans "Lignes de Faille", Nancy Huston raconte une histoire à rebours, et tous ses narrateurs sont des enfants de six ans. A la 4ème de couverture, on a des suées froides : la remontée du temps, cela voudra forcément dire que certaines époques sont moins bien dépeintes que d'autres. Et puis, des narrateurs de 6ans, franchement ! Ca va être très mimi-trognon-touchant, ouh ça va être imbuvable, ce truc...
Hé ben non.
Non parce que dès les premiers paragraphes, le premier narrateur, le petit Sol en 2004, tu as envie de lui mettre des baffes. Que ça fait du bien de ne pas avoir d'histoire avec des enfants mignons ! Au contraire, les enfants de ce livre se sentent surpuissants, ou imbéciles, ou gros, bref de vrais petits êtres humains en minuscule, avec une pensée, des avis, un regard, loin de ce que nous les grands, nous imaginons d'eux.
Et ce que nous montre le livre, c'est que la fameuse perte d'innocence, c'est pas quand tu cesses de croire au Père Noël. Faudrait arrêter de prendre les enfants pour des cons. Les histoires d'amour qui s'achèvent, les secrets de famille, la disparition, la maladie, la guerre, la haine, la rancœur, la colère, voilà ce qui fait grandir les enfants. Ils en prennent autant dans la tronche que les adultes, et au fur et à mesure des chapitres, on se rend compte que c'est en prenant la vie dans les dents qu'ils se construisent, même avec des bosses, et deviennent des personnes. A chaque grand évènement qui se produit dans leur vie, on lit leur "éveil", ils prennent conscience de leur monde, et ils deviennent acteurs de leur vie.
Et deviennent peut-être un jour des Erra...
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