Paru en 2012, ce bouquin dont l'autrice avait 66 ans à sa sortie, sonne un peu comme un retour sur sa vie passée, bien que subsiste toujours un doute quant au caractère romancé ou non de ce qui pourrait bien constituer une sorte d'autobiographie. Il dire que la vie de Lily Brett, comme celle de son personnage Lola Bensky, est peu ordinaire. Née en 1946, dans un camp de personnes déplacées, de parents rescapés d'Auschwitz qui émigrèrent par la suite en Australie, elle s'est retrouvée, on ne sait par quel prodige, à officier comme journaliste pour une revue australienne et à côtoyer en 1966 et en 1967 un certain nombre de stars du rock de l'époque, et pas des moindres : Mick Jagger, Brian Jones, Janis Joplin, Jimi Hendrix, Jim Morrison, les Bee Gees, Mamas and papas, Sony and Cher et quelques autres. Un statut d'envoyée spéciale qui lui a permis d'aller en Grande-Bretagne, puis aux Etats-Unis où elle assistera au mythique festival de Monterrey en 1967.
Ses rencontres avec les rock stars, qui occupent le début et la fin du bouquin en sont à mes yeux, et de loin, les meilleurs passages. Certaines des interviews de Lola / Lilly, candide à souhait et pour tout dire pas franchement dans l'ambiance de l'époque, sont de vrais morceaux de bravoure et éclairent de façon inattendue la plupart des personnalités interviewées. Sauf Mick Jagger, tout jeune mais déjà en contrôle. Tout ça dans une atmosphère très détendue et conviviale, où stars et leurs entourages se côtoient très simplement, sans aucune barrière du genre sécurité ou attachés de presse. On sent que ça se passe au moment où ça démarre, où toutes les futures stars ne le sont pas encore devenues et que la dope n'a pas encore massacré nombre d'entre elles. Après quelle est la part romancée du témoignage, de quelle façon les décennies écoulées ont-elles amené Lilly Brett à idéaliser ses souvenirs ? Je ne sais, toujours est-il que l'éclairage apporté est plutôt sympa.
J'ai moins apprécié le milieu du bouquin, très introspectif et dans lequel l'autrice parle énormément de sa vie, de ses problèmes de poids et de sa condition de juive fille de rescapés d'Auschwitz. Elle évoque à de nombreuses reprises les traumatismes subis par ses parents et les traces qu'ils ont laissé tout au long de leur vie. Témoignage à n'en pas douter sincère et souvent poignant, qui d'une certaine façon laisse beaucoup moins de place au doute quant à sa véracité que ses conversations avec Hendrix ou Joplin. Après, sans les remettre en cause en aucune façon, la narration détaillée des traumas psychologiques des rescapés des camps nazis n'est pas forcément ce que j'apprécie le plus en matière de lecture. Disons qu'il y a plus amusant en matière d'évasion, et il faut admettre que sans les passages flower power, le bouquin serait franchement sinistre. Et puis ça reste tout de même présenté de façon très individuelle, très personnalisée, la dimension collective du traumatisme causé par la shoah est complétement esquivé, alors qu'elle est sans doute plus durable : il suffit pour s'en convaincre d'observer la politique d'aparthied qui est plus que jamais menée, 80 ans après le génocide, par l'état d'Israel...