Chronique de la nymphescence extra-ordinaire
Docile esclave dévoilant une sollicitude véloce aux lamentations perpétuelles de la délicieuse Dolorès. Humbert, l’adulateur, aliéné par les larmoyantes lubies de la céleste Dolly livre à tire-larigot son souffle pour le luxe de la désirable et voluptueuse jouvencelle Lolita.
Lolita, de Vladimir a ce que Lolita, de Stanley n’a pas. Par-là, je fais allusion à cette attention considérable attribuée au témoignage des fantasmes du languissant Humbert, affaibli par l’incontrôlable charme de la tout aussi adorable que détestable adolescente.
Arrêtons de caracoler avec la richesse de notre belle langue et chantons au roman les louanges qu’il mérite. Chantons à Nabokov à quel point il est bon et excitant de plonger dans les « crimes » de l’humble Humbert, porteur du lourd fardeau d’un amour interdit. Enlacer Lolita, c’est enlacer la crainte du rejet, la crainte de la perte simple et purement définitive d’une nymphe qui aux yeux de la loi n’est qu’une fillette exploitée. La loi n’a que faire de l’atmosphère que dégage Lo, la loi n’a – à l’opposé d’Humbert - pas de cœur.
Et cela, Nabokov nous le fait bien comprendre grâce à un style plus que plaisant, une plume qui glisse avec une variété spectaculaire, dessinant peu à peu les traits changeants d’une enfant dont la nymphescence s’évapore et traçant le croquis labyrinthique de la culpabilité et du désir d’un homme.
Quelques longueurs entachent l’excellence de l’ensemble. Des longueurs néanmoins compensées par des passages de grande qualité que l’on prend son pied à lire et à relire encore.
Lolita est avant tout une histoire d’amour d’une splendeur incomparable, l’histoire d’un amour fou, passionnel, charnel mais jamais vulgaire, pédophile mais jamais considéré en tant que tel par le lecteur que l’auteur s’efforce pourtant à élever au rang de juge.
Du début à la fin, du grand art.