Relecture de Lolita, des années après avoir été happée par cette histoire, que j’avais qualifié comme « déconcertante de légèreté et de grâce ». Bon, j’avais 15 ans. Force est de constater que je n’avais pas complètement pris la mesure de toutes les subtilités textuels de la narration.
L’écriture de Nabokov est exquise, le maintien gentleman d’Humbert Humbert nous force à choisir : veut-on être en empathie avec ce personnage ? Heureusement HH sème très régulièrement des indices sur la condition tragique de sa relation avec Dolorès, sa Lolita fantasmée. L’ambivalence que crée Nabokov chez le lecteur touche au génie : on est sans cesse délecté par la plume en étant révulsé par son contenu, on doit activement interpréter les anecdotes d’HH comme autant de sévices psychologiques ou sexuels infligés à Dolorès. Une enfant de douze ans qu’on a trop souvent dépeinte comme une femme fatale qui fait ployer un homme bien sous tout rapport. Lolita est une oeuvre construite par l’esprit malade et pervers d’Humbert Humbert. Elle écrase de ses atouts sensuels une fillette, une pré-ado prise dans les filets d’un homme fantasmant l’inceste. Assurément une oeuvre immense, qu’on peut décortiquer ad vitam aeternam.