Chef-d'oeuvre de style. Chef-d'oeuvre de narration. Chef-d'oeuvre de subversion. La plume divine de Nabokov mérite amplement sa réputation et représente un indiscutable sommet de la littérature. En fait, du point de vue strictement formel ça se place même devant Dostoïevski ou Éco pour ce que j'en ai lu. Il fallait de toute façon faire valoir une vraie valeur littéraire pour aider à faire accepter ce roman au sujet controversé. Pour le faire accepter et éditer déjà, mais aussi et surtout, pour se satisfaire de son formidable plaisir esthétique. Mais pour ça il ne suffit pas de bien écrire (euphémisme dans le cas présent) il fallait aussi faire les bons choix narratifs. Nabokov les a faits. 1ère personne pour assumer pleinement l'immersion dans la psychologie du pédophile, 3ème pour le recul et la distanciation morale du récit pour ce cas d'étude très particulier alors inédit dans les années 50, franchise cynique du narrateur écrivant son mémoire à l'ombre à l'intention du juré et du lecteur, intellectualisation jamais forcée du propos visant à endormir l'éthique des gens...
Peut-être ai-je décroché un peu avec le road-trip un peu longuet de Humbert et Lolita à travers les states, sinon je ne lui voit pas de défaut, pas de manque... Même le style n'est jamais pompeux, redondant ou boursouflé... Le pouvoir évocateur des descriptions est fabuleux grâce à la richesse de vocabulaire. VN n'en fait à mes yeux jamais trop ou pas assez.
C'est un puta** de livre (c'est mot pour mot ce que je me suis dis après avoir lu les dernières lignes) qu'il faut absolument découvrir par soi-même car il interroge notre rapport à l'art, à l'identification archétypal et à la morale comme aucun autre n'a su le faire. Parce qu'il a vraiment marquer un avant et un après et parce qu'il nous fait passer par toutes les émotions. Mémorable.