ROCKET MAAAAAAN !

Loterie Solaire , ou Solar Lottery est un roman de science-fiction écrit par Philip K. Dick et paru en 1955. En vérité , il s'agit là du premier roman que K.Dick ait jamais publié , au terme d'une introduction au métier d'auteurs faite de désillusions permanentes , entre refus de nouvelles et conditions de vie frisant l'insalubre ; le début n'est jamais facile - et ce même si , jusqu'alors , l'oncle Phil comptabilisait à son actif plus de 70 nouvelles pour la majorité refusés et retournés en permanence à leur envoyeur - mais de là à se nourrir de croquette pour chien...Car si on en croit sa seconde épouse , Kleo , avec qui il était en couple durant l'année 1955 date de parution de Loterie Solaire , l'auteur de Roog en était arrivé à se nourrir pendant cette période de nourriture pour clebs. Ironique , d'une certaine manière , quand on sait donc que sa première nouvelle publié traitait d'un chien prenant les éboueurs pour des extraterrestres.
Bref , toute triviale anecdote mise à part , je vais vous demander l'effort de vous rappeler de vos années collège car cela sera sans doute important pour la suite. Lycée , pour les plus retardataires d'entre vous...Si ce souvenir ne remmène pas en votre esprit quelques flash des plus désagréables - ce dont je doute fort , faut pas déconner - , alors sans doutes vous souvenez vous aussi de ces boums qui , une fois l’extrême horaire de 23h atteinte , glissait lentement vers les rives de la frustrante tentative d'expérience pseudo-sociale. C'était dans ces eaux là qu’apparaissait , quand vous étiez entourés comme j'ai pu l'être - parfois - d'ahuris perpétuellement attisé aux contingences de la relation charnelle , en nos esprits tout à faits rebelles et insouciants le légendaire jeu de la bouteille. Un récipient vide , tout le monde s'assoit en cercle , que tourne l'instrument du hasard et que l'espoir se brise ou se ravive...Oui , cette roulette russe pour ados ingénu , tout le monde l'a connu et expérimenté.
Eh bien , dans Loterie Solaire , le monde est régulé par un jeu de la bouteille...à la différence près qu'ici c'est le commandement du système Solaire tout entier que ce jeu réglemente et que celui qui est choisi par la Bouteille devient le maître du Jeu - à savoir , le maître de la civilisation humaine dans son ensemble. Du jour au lendemain , même si le jeu est stratifié et inégal , n'importe quel manant peut soudainement devenir le wali du monde. Et c'est ce qui se produit lorsque Léon Cartwright , simple technicien et gérant d'une sorte de secte vouant un culte à un explorateur spatial , remplace contre toute attente Reese Verrick à la tête du Jeu alors que celui ci semblait définitivement assuré dans la place. Dans ce monde , rien n'est jamais prévisible...ou bien si ? Tout le mystère est là.
Pas mal , hein ? Oui...Faut l'avouer , il y a de l'idée. Et se dire qu'il s'agit là du premier récit accepté de K. Dick prouve que ce dernier eut tot à l'esprit que si il devait un jour acquérir une certaine visibilité se devrait de frapper fort. Je n'ai jamais lu *Le Cycle du à * - moi et le vieux Alfred ne nous entendons pas très bien ces derniers temps - mais il paraîtrait que Dick se serait très grandement inspiré de ce livre fondateur afin de produire son Loterie Solaire.
Il y a en effet quelque chose d'inédit dans ce livre. Quelque chose que l'on retrouve sous des formes bien plus diffuses dans les autres romans de Dick , plus abstraites. Cette chose c'est la tension. L'ingénieuse trouvaille du personnage de Keith Pellig - si l'on peut appeler cela un personnage , d'ailleurs...- conduit à des scènes d'actions remarquablement maîtrisés. Le livre conte pendant une grosse partie de son intrigue tout le déroulement d'une chasse à l'homme entre Batavia ( Jakarta ) et la Lune , le tout enrobé d'une action à la croisée entre l'exces des mangas et le traitement psychologique d'un film à la Fincher.
Malgré l'évidente inventivité qui régit le livre ,certains passages sont comme passés à l' accélérateur de particules histoire de rentrer sans trop de problèmes en un format absorbable par la majorité du lectorat SF. Si on retrouve les excentricités de Dick en matière de narration , celles ci se brisent contre les récifs de soudaines prises de consciences intellectuelles de l'auteur à l'égard de ce qu'il est train de créer. Tout freine subitement , les instants qui devraient durer , les trouvailles , et tout redémarre en des monologues sans saveurs que les personnages s'efforcent à baver histoire de rappeler au lecteur que tout cela a du sens , que tout cela n'est pas fou. A force de trop vouloir discuter son monde , je pourrais conclure en disant que , finalement , Dick soustrait ici ce qui fait - ou fera , plus tard - clairement sa force : à savoir l'effrayante sensation que rien n'est jamais réel , que rien n'est ce qu'il est .