J'adore cet auteur depuis que j'ai lu "Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques", (ou Blade Runner pour ceux qui le connaitraient grâce à la patte de Ridley Scott) et pour le très sympathique recueil "Braconniers du Cosmos", dont la dernière nouvelle "L'homme Doré", est une excellente réflexion sur la théorie de l'évolution. J'aime aussi Philip K. Dick parce que ses livres sont incisifs, pointus, prenants.
Les thématiques abordées, surtout replacées dans le contexte géopolitique des années 50 / 60 forcent le respect, et puis il y a cette maîtrise de la langue qui vous transporte du début à la fin de ses livres avec une intensité déconcertante.
J'allais donc assez confiant vers sa première publication, mais je suis vite passé de très mitigé à plutôt déçu, car le livre n'a vraiment rien d'exceptionnel à notre époque, et avec le recul, à la sienne non plus, car on est loin de la maîtrise de ce que j'ai pu lire auparavant.
Le style est certes fluide, mais décousu et imprécis. De nombreux dialogues sont totalement futiles et ne rapportent rien au développement de l'intrigue ou des personnages. Dick ne décrit également pas assez cette société basée sur le hasard pour la rendre crédible et pouvoir la justifier, d'autant qu'il incorpore fréquemment de nombreux éléments farfelus tombant comme un cheveux sur la soupe: les femmes qui se baladent les seins nus en permanence sans pour autant que ça ne corresponde à une norme où à une mode, des "cerfs" qui appartiennent comme des biens mobiliers à des élites, les gens classifiés et les "inks" plus ou moins parias, pouvant être supprimés en toute légalité, l'existence d'une sorte de Messie (Preston) qui a rejeté cette société et qui a gagné une notoriété on ne sait pas trop comment ni pourquoi, une fin en noeud de boudin...
Bref, les exemples s'entassent et finissent par faire déconnecter le lecteur avec une intrigue trop peu élaborée, ce qui est vraiment dommage.
Dommage car la thématique a des points plutôt stimulants pour l'intellect, avec une dénonciation en sous-teinte d'une Société Américaine basée sur la réussite personnelle à tout prix, l'aliénation des femmes et des Noirs. On attend donc tout le temps que l'intrigue décolle et qu'on se retrouve englué dans cet univers qu'on devine aliénant. Mais on ne franchit jamais la limite. On trouve d'ailleurs souvent dans le livre des allusions à la volonté de respecter la loi et la morale, du moment qu'elle colle au respect de l'individu et qu'elle lui permet d'atteindre ses objectifs de bien être, ce qui est plutôt déroutant parce que les personnages ne franchissent jamais la ligne rouge. Ils restent confinés dans leur immobilisme et leurs réflexions qui tournent en rond, donc on reste constamment dans le politiquement correct, là où Orwell sautait à pieds joints dans le plat du totalitarisme. Et ç'est du gâchis parce qu'il y a les germes d'une société totalitaire et un côté dystopique évident dans ce livre, mais trop mal exploité pour en prendre un coup.
Mais je trouve qu'il y a une originalité indéniable avec le choix de la thématique, surtout replacée dans son contexte de parution.
Pour conclure, je me rend compte qu'il est vraiment difficile de juger cette oeuvre pour sa qualité intrinsèque, surtout quand elle pâtit de l'ombre du reste de la bibliographie de l'auteur. C'est qu'il y a du lourd à côté... J'aurai donc dû commencer par ce livre et aller doucement vers les plus grands succès de K. Dick pour être objectif. Mais le fait est que je ne lui trouve rien d'extraordinaire. Si on retrouve les fondement du style de K. Dick avec un style fluide, efficace et une thématique percutante, il manque de la profondeur et une intrigue suffisamment accrocheuse. Un peu comme Robert Heinlein avec ses "Maîtres du Monde", on ne passe pas un mauvais moment, mais tout est trop survolé pour être captivant. Je vais donc plutôt m'orienter vers "Ubik", "le Maître du haut château" ou "le Dieu venu du Centaure" pour mes prochaines lectures.