Fredric Brown, ou l'art de faire de minuscules histoires avec une chute percutante.
Je sais bien qu'après la lecture de cette fiche, des personnes se récrieront devant la forme parfois facile et expéditive des short-short stories dans laquel l'auteur mentionné y excelle. Et alors ? Au fond, je ne peux qu'être partisan de Chacun ses goûts !
M'enfin !, pour celles et ceux qui en doutaient encore, Fredric Brown est véritablement LA, ou du moins une, référence de la nouvelle humoristique en SF. Encore que, contrairement à "Une étoile m'a dit", on rit quand même jaune, au fond, à la lecture de ses nouvelles. En effet, le contexte historique se ressent sur le thème et les distorsions que Brown y applique dans ses nouvelles, à savoir : La Guerre Froide. Et ce, d'autant plus que la menace nucléaire pesait sur les épaules de tout en chacun comme une énorme épée de Damoclès *
Et pour cause, voyant les nouvelles qui composent se recueil, mais pas forcément dans l'ordre :
- Lune de miel en enfer :
Horreur ! Depuis plusieurs semaine, voire plusieurs mois, aucun bébé de sexe masculin n'est né sur Terre, et ce, dans les 2 (voir 3) Camps ! Croyant que cela vient d'une machination ourdi par l'Autre (l'autre camps, bien sûr), chacun décide de faire cause commune pour résoudre l'affaire à travers une expérience. Et ce sera à un Américain capitaliste d'aller tester les effets d'un séjour sur la Lune sur la reproduction humain avec...suprême horreur !...une soviétique communiste !
Attention à la chute, car elle montre à quel point il suffit d'un certain autre point de vue pour résoudre un certain type de problème (ne manquant pas de tourner au ridicule l'Homme)
- Le Dôme :
Trente ans ! Depuis trente ans Kyle Berden est resté cloîtré dans un immeuble, coupé de tout contact avec le monde extérieur, isolé telle une bulle d'outre temps/espace. Et cela à l'aide d'un champ protecteur révolutionnaire de sa propre invention, créé et utilisé dans la crainte que l'Apocalyspe nucléaire n'ait réduit en scorie tout trace d'Humanité. Trente ans, c'est long. Et que se passera-t-il lorsqu'il décidera de couper ce champs et de poindre le bout de son nez dehors ?
- L'arme :
"- Seul un fou, se disait-il peut donner un pistolet charger à un idiot."
La dernière phrase de cette très courte nouvelle est à même de résumé cette glaçante histoire...
- Un mot de la direction :
"-Bagarrez ! "
Mais d'où vient ce mystérieux message qui se diffuse sur n'importe quel station radio et à heure fixe dans chaque réseau horaire vers 20h30 pendant la période d'une révolution terrestre ? Quel est en le sens, l'origine, l'auteur ? Et c'est quoi ces réaction d'apaisement qui s'en suit.
4 nouvelles sur 22 au moins sont réellement significatives de la terreur que pouvait ressentir chacun : que quelque chose aille de travers et déclenche la pire des guerres que pourrait déclencher l'Homme, avec pratiquement aucune espérance, ou peut-être un peu, d'en réchapper. Un genre de no-future-way avant l'heure. Mais on pourrait entendre cette thématique à d'autre nouvelles, telles que "Arène", où, alors que l'intégralité de la flotte humain est sur le point d'affronter une flotte alien à peu près équivalente en nombre au confin du Système Solaire, un homme et un alien sont téléporté en un autre lieu et un autre temps pour s'affronter et décider de ce fait la victoire de l'une ou l'autre civilisation. Ou par la thématique de l'infiltration insidieuse de l'Autre, l'Ennemi, se muant en Ennemi Interieur, à travers l'invasion masqué d'ET dans "Le dernier martien" (de la planète ROUGE...), "Une souris" ou "Et les dieux rirent".
Non content d'alterner entre rire jaune et sueurs froides avec ces quelques nouvelles, n'oublions pas les quelques très très courte nouvelles bourrées d'humour pince-sans-rire de ce recueil, comme "Cela va de soit", "Vaudou" (ha !, les joies de l'après-mariage !), ou glaçante, terriblement glaçante, tel que "Entrée interdite".
Donc, le préférant davantage que "Une étoile m'a dit" (sans pour autant le dénigrer) je ne peux que conseiller fortement ce recueil que je qualifierais presque d’indispensable dans sa bibliothèque, tellement sa thématique et son humour sont marquant. Mais !, me diriez-vous, comme trouver ce livre qui est tout de même assez rare (dernière édition en 1964, dans la défunte collection "Présence du futur", chez Denoël) ? Patience chers cafards ! Car, sans donner de faux espoirs, j'ai cru entendre qu'une réédition serais envisagée. A moins que je ne me trompe que lourdement...
* : à ce propos, il n'est pas intéressant de voir comment Charles Stross en parle dans le post-face de son super Le Bureau des Atrocités. Comparer un livre d'espionnage de la Guerre Froide et un roman de terreur (voir d'horreur), n'est pas, de loin, une mauvaise idée...
NB : cette critique est rappatrié d'un forum, et a été postée en 2005. J'étais plus jeune et maladroit à cette époque. Je me suis juste efforcé d'alléger la tournure de certaines phrases et de corriger les fautes qui me sautaient aux yeux.