Ca commence par une verve à la Audiard sans les soupçons de racisme ou d'antisémitisme.
Et puis, cela s'essouffle un peu. L'écriture perd de son mordant pour entrer dans le récit de la jeunesse de Magy Cherfi dans la banlieue toulousaine. Le récit est essentiellement centré sur son année de terminale avec tout l'enjeu d'être le premier de la cité à avoir le bac.
Récit autobiographique où l'auteur évoque sa jeunesse coincé entre son goût pour les lettres, les auteurs classiques et sa famille, son quartier. Coincé entre les ambitions de sa mère, son désir d'intégration et ce qui le ramène à ses origines malgré lui. Brinquebalé entre sa famille, et ses amis.
Je dois reconnaître à Magyd Cherfi l'amabilité de ne pas faire de cette autobiographie un message. La voie qu'il va s'ouvrir d'ailleurs marque bien son désir d'émancipation et des désirs parentaux et de ses origines préférant une voie individuelle. Ses goûts pour la chanson française, la littérature et l'écriture place d'ailleurs l'auteur à part, sans ressentiment entre une banlieue dans laquelle il ne se retrouve pas et une "part de gaulois" qu'il prend avec plaisir.
Bref, le livre se lit bien mais manque peut-être d'intensité présente pourtant dans le premier chapitre.
Incipit:
« Longtemps j’ai aimé qu’on me dise :
— Magyd, écris-nous quelque chose ! Un truc qui tue, mets-nous le feu ! On s’ennuie.
Surtout les filles de mon quartier, qui savaient mon écriture inflammable et solidaire. J’aimais dégommer les mecs de ma cité qui me le rendaient bien. Je les croquais en verbe, ils me retournaient la bouche à coups de savate. Les filles, elles voulaient que j’écrive un incendie. Être leur pyromane me chauffait les neurones. Interdites de sorties je devenais leur passeport pour les étoiles.
— Écris la légende des quartiers.
Tout le monde aimait ça, que j’invente une “histoire”. D’histoire on n’en avait pas. Ma mère, les filles, les copains, un seul cri : Écris…
— Un truc qui tue !
Comme on dit au djinn “exauce mon vœu” ou à la fée “fais-moi apparaître la plus jolie princesse”. On me sollicitait de partout pour un petit bonheur pépère. J’étais dans ma cité comme un magicien des mots et m’en léchais la plume. Les copains aussi me demandaient des poèmes pour accrocher une voisine et quand ils revenaient me supplier pour deux ou trois autres quatrains, je la jouais poète pris dans les tourments de l’inspiration, je me prenais la tête « J’étais mou, affable et grassouillet, ça vous donne trois raisons de ne pas visiter la jungle des hommes. Je me dis quand j’y pense que le secret de l’écriture est là. En écrivant on sublime forcément cet effroi qu’est le réel. Pour moi c’en était un au point d’éprouver une jouissance à l’enfermement. Je m’isolais pour réinventer un monde dans lequel j’aurais pas été moins qu’un prince… charmant, musclé et pas con.
À défaut d’être “mec”, je me suis fait plume et ma haine, plutôt que des poings, s’est servie d’un stylo.
Par bonheur je n’étais pas que flasque et éteint, j’étais aussi fâché et j’ai donc envoyé mon écriture à la salle de gym. J’habitais la banlieue, ça dit tout.
Pourtant j’avoue pour avoir lu les “meilleurs” que j’étais à l’écriture ce que le mineur est au minerai, bien plus dans le concassage que dans l’épure.
J’en maudis encore le ciel, car écrire et être en colère auraient mérité un scribouillage hugolien.
Rien de ça chez moi jusqu’à ce que j’assume ce qualificatif qui m’a hanté longtemps. Sympa.
— C’est sympa ce que t’écris.
Oh l’incroyable adjectif qui veut dire à la fois c’est nul et c’est bien. Maudit« adjectif passe-partout qui permet le compliment sans affoler son destinataire, qui vous débarrasse d’une position inconfortable en proposant un “pouf” qui vous engloutit, qui flatte sans vous proposer les nues et qui n’est ni désobligeant ni porteur de louanges. »