Mad est le monde...

Voici le dernier roman de la célèbre romancière britannique, et c'était censé être une dystopie. Imaginez un peu. On est dans les années 2000, le Royaume-Uni vient de quitter la Communauté européenne suite à un référendum, à cause du marasme économique dans lequel il est plongé (inflation des prix, chômage...). Un matin de novembre, Emma et sa grand-mère Mad se réveillent au son des hélicoptères qui tournoient au-dessus de leur maison. Plus de radio, plus de téléphone. Des navires de marines "yankees" sont amarrés dans la petite baie cornouaillaise... Pendant la nuit, la coalition a formé l'EURU (pour États-Unis et Royaume-Uni) sans concerter le peuple, qui a pour vocation d'initier une union de tous les pays anglophones (Australie, Afrique du Sud, NZ), le Royaume-Uni quant à lui servira de parc d'attractions aux Ricains en visite. Mais la petite maisonnée de Mad, une ancienne actrice octogénaire, qui élève les 6 garçons qu'elle a adoptés (entre 3 et 19 ans) avec l'aide de Dottie, son ancienne costumière, ne l'entend pas de cette oreille ; et petit à petit, la résistance s'organise face à ce qui ressemble de plus en plus à une occupation. La construction du récit est très habile en adoptant le point de vue d'Emma, car ainsi on ne saisit jamais totalement les intentions de la patronne des lieux, une grande dame aux tenues excentriques, autoritaire, qui a toujours une idée derrière la tête. Un soir de brouillard, un des officiers est tué par un des garçons. Et c'est les représailles. Un jour, les routes sont bloquées, puis c'est le rationnement au supermarché, enfin on leur coupe l'eau et on les confine chez eux sans explications. Les fermiers, autosuffisants, s'entraident, font du troc, retrouvant les valeurs d'antan ; les médecins refusent de travailler et on se moque de ces sales Yankees grossiers et envahisseurs ! En plus de cette réflexion très actuelle, le roman est très drôle ! À lire.

"Un chien avait été abattu, un homme tué, un bateau détruit, une petite ville était coupée du monde, sa population masculine arrêtée... et pour quoi ? Pour que davantage d'hommes comme Pa [le père d'Emma] puissent voyager en jet autour du monde et jongler avec les monnaies ? Pour que davantage de gens frustrés, sans travail, émigrent dans le vain espoir que l'herbe soit plus verte ailleurs ? Tandis que ceux demeurés sur place s'efforceront toujours de concurrencer et de supplanter leurs voisins, au lieu de vouloir les aider et partager avec eux ?"

"Lorsque les femmes comme Miss Bennett [une infirmière] venaient à disparaitre, elles étaient vite oubliées ; elles ne devenaient jamais riches ni célèbres, elles étaient ces humbles qui reçoivent la terre en héritage, non pas pour en profiter eux-mêmes mais pour la transmettre comme une chose qui leur aurait seulement été confiée."