La vie de la pauvre Emma est monotone, dans le petit bourg normand où son mari est médecin. Elle s’ennuie mais heureusement, elle est souveraine en son royaume, celui de l’imagination. Il est permis de penser que des Emma Bovary, il y en avait plein les bourgades au XIXème siècle !
Il y a dans l’écriture de Flaubert une efficacité, malgré le rythme parfois alangui (reflet du quotidien mollasson d’Emma ?). La justesse d’analyse et le rythme de certains paragraphes m’ont impressionné, et la peinture psychologique d’Emma est d’une grande justesse. Flaubert crée des phrases simples mais spectaculaires, évocatrices et denses, sans lyrisme affecté. Le comportement névrosé d’Emma est développé en quelques coups rapides et bien sentis. Sans être dans sa tête, on comprend parfaitement les mécanismes maladifs qui la tourmente. Néanmoins je regrette juste que ses dettes prennent à la fin une ampleur telle qu’elles deviennent le nouveau centre de l’intrigue… on comprend en filigrane que son incapacité à se confronter au réel finit par la perdre, mais j’aurai aimé qu’on s’attarde plus sur ce basculement psychologique, que Flaubert l’étaie de quelques descriptions précises comme il en a le secret. Entre les péripéties et la psychologie, Flaubert n’a pas voulu se décider et j’aurai préféré un roman plus resserré en de grandes analyses psychologiques magistrales, plutôt qu’une narration rythmée par des évènements (le bal, le théâtre, les dettes…), mais c’est vraiment une question de goût.