Absolument ignorant d'Arthur Schnitzler, je suis tombé cet été sur cette longue nouvelle qui est une de ses œuvres les plus connues. D'abord intrigué par le titre, qui est aussi celui d'une chanson du groupe Varsovie (je n'avais pas alors saisi la référence, ignare que je suis), puis par la quatrième de couverture, dans laquelle est résumée toute l'histoire et déjà annoncé le suicide du personnage, je l'ai lu d'une traite. Il faut dire que le texte est assez court (à peine plus d'une centaine de pages), mais d'une grande intensité.
Schnitzler inaugure ici la forme du monologue intérieur, qui connaîtra un certain succès, et sera repris jusqu'à dégénérer en de fades autofictions. Mais ici l'auteur nous peint les tensions et les troubles intérieurs d'une jeune fille de la bourgeoisie viennoise, dont le père, endetté, l'exhorte à demander de l'argent à un riche marchand d'art ; celui-ci accepte si Else se montre nue devant lui. Tout s'accélère peu à peu sous la subtile plume de Schnitzler : Else envisage la situation dans une réflexion mêlée d'angoisse, de rage contre son environnement, jusqu'à l'achèvement radical mais somme toute logique de ce long raisonnement qui ne s'arrête jamais vraiment.
L'intérêt réside donc tout autant dans le fond - éclairage psychologique sur les troubles d'une jeune adolescente de la bourgeoisie, critique de cette même bourgeoisie, analyse semi-consciente des rapports humains - que sur la forme - long monologue intérieur, mélange de phrases construites et de bribes, où nombreux sont les points de suspension, car la conscience ne s'éteint jamais vraiment.
Schnitzler, que j'ai pu découvrir avec cette nouvelle, se montre ici d'une grande lucidité.