“Magellan” se lit comme un roman d’aventure, est documenté comme un livre d’histoire, est écrit comme un classique littéraire, et se vit comme une ode dédiée à Magellan par-delà les siècles.
Au tout début du XVIème siècle, Colomb vient de traverser l’Atlantique. L’Espagne et le Portugal se divisent le monde connu (et inconnu), et commencent à inonder l’Europe de produits exotiques venant des îles aux épices ! Un explorateur pas comme les autres, ayant déjà passé presque 10 ans dans l’océan indien, va lancer un projet fou : il est persuadé qu’il est possible, depuis l’Europe, de naviguer vers l’ouest, sous le continent américain fraichement découvert, et de rejoindre l’extrême Orient par l’ouest. Et il est prêt à tout pour le prouver au monde.
Les 3 ans de voyage qui suivront seront parsemés de nombreux rebondissements : de mutineries en tempêtes et de naufrages en famines, Magellan aura tout affronté. Il laissera d’ailleurs sa vie aux Philippines, tué lors d’une escarmouche avec des locaux. Sur plus de 250 marins partis de Séville sur 5 navires, seuls 18 hommes ramèneront un seul navire (plus proche de l’épave que du fier esquif) à bon port, mais le plus important est là : le premier tour du monde a été réalisé.
Zweig reconstruit, à partir des documents d’époque qui sont parvenus jusqu’à lui, le projet fou de Magellan, et le replace dans son contexte historique. Pourquoi Magellan a-t-il dû proposer ses services au royaume d’Espagne, voisin de son Portugal d’origine, pour mener son projet à sa conclusion ? Comment la composition de l’équipage a-t-elle influencé la suite du voyage ? Quels conceptions étranges ont mené Magellan, pourtant homme réfléchi et leader éclairé, à risquer sa vie sur une île à l’autre bout du monde ? L’époque des grands explorateurs devient vivante sous nos yeux, par la plume d’un Zweig inspiré.
Le style est très agréable, les personnages sont hauts en couleurs, les défis pharaoniques ! Zweig rend l’aventure haletante, on avance à un rythme effréné, en ayant même parfois l’impression que l’intrigue est fictionnelle (car paraissant trop tirée par les cheveux). On sent aussi un peu d’ironie de la part de Zweig, ou en tout cas du recul amusé : les manoeuvres des uns et des autres, les conclusions hâtives, les erreurs de navigation sont décrites avec tendresse, glorifiant légèrement l’époque au passage. Presque romantique, on sent Zweig attendri par ce siècle, et principalement par Magellan lui-même. Il lui voue un culte certain, loue ses décisions quelles qu’elles soient, et oublie parfois d’être objectif.
Globalement, une très bonne biographie. Au-delà du personnage lui-même, dont il est fait un portrait élogieux, le livre regorge d’anecdotes sur l’époque et sur les contemporains du navigateur. Pas question de poser le bouquin très longtemps, car même si on sait ce qu’il se passe à la fin, on veut quand même savoir comment l'histoire se déroule ! Un tour de force.