J’ai beau avoir pris mon temps, voici qu’il ne reste déjà plus que quatre volumes, au sortir de Magie et Cristal, à suivre Roland et sa quête de la Tour Sombre. Tandis que Terres Perdues s’implantait pleinement dans l’Entre-deux-mondes en se jouant de la carte de la « Mort », les prémices de ce quatrième tome ont tôt fait de nous remettre dans le bain : condamné à croiser le verbe avec un Blaine en roue libre, notre quintet fétiche ne nous laisse aucunement le temps de souffler.


La résolution qu’apportera Eddie, au sortir d’une joute désespérée car placée sous le sigle de l’urgence d’un trépas imminent, illumine d’une douce ironie les apparentes prétentions sérieuses du récit : car ici, rien n’a de sens, lui-même suspendu aux intentions d’esprits normés différemment. Un pur délice en somme. Par la suite, il apparaît que Magie et Cristal s’en va là où on ne l’attendait pas forcément : la jeunesse de Roland. Chose que l’on supposait généreuse et « lourde » à digérer, mais de là à prévoir que cet arc occuperait une place prépondérante au sein du livre : du tout !


Avec du recul, le roman arbore un évident découpage en trois partie, une première reprenant justement sur les rails de Terres Perdues, qui a tôt fait de nous expédier dans un sombre et lointain passé, celui là même de Roland. Une perspective aussi aguichante qu’effrayante en soi, tant il était aisé de deviner que les tenants et aboutissants de sa rencontre avec Susan Delgado ne seraient pas au beau fixe.


Le récit de cette folle idylle constituait une étape ardue comme cruciale dans la rédaction de Stephen King : comme il le confessera lui-même, ce pan de la vie du Pistolero l’aura tourmenté longtemps, l’écrivain ne parvenant par à coucher sur papier la quintessence qu’induit tout amour éperdu de jeunesse. Pourtant, le résultat est sans appel : on tient là le meilleur volume de la série jusqu’ici, et de belles promesses quant au devenir de la saga... encore et toujours.


Il serait difficile de résumer cette longue immersion dans un autre temps, proprement fascinant, mais dont le déroulé nullement hâtif, au risque de perdre quelques lecteurs en chemin, méritait peut-être quelques coupes. Pour autant, j’aurais été conquis par ce tableau strié d’une myriade d’éclats, camaraderie, complots, amour et coups du sort s’entremêlant sans discontinuer dans un crescendo peu à peu suffocant. Je tendrai néanmoins à pointer du doigt la place de l’occulte en son sein, dont l’influence téléphonée et facile, au risque de virer au ressort scénaristique peu réfléchi, entachera d’exagération tout le tragique que revêt le destin de Susan.


Mais, comme si Magie et Cristal prenait un malin plaisir à me faire mentir, le retour à Gilead accouchera d’un énième, mais remarquable, soubresaut dramatique : empreint d’une ironie cruelle, marquant à tout jamais la filiation de Roland, l’on comprend alors que la malédiction l’affectant n’aura de cesse de le tourmenter... et l’on ne peut que craindre les prochaines révélations que le Pistolero nous contera quant au destin de ses anciens compagnons.


Émoussé comme transi des suites d’un tel récital, le rythme retombe soudainement. Une lente avancée pour, finalement, casser non pas la dynamique de leur périple mais carrément le cadre spatio-temporel qu’ils et nous suivions... mais le procédé n’a rien de surprenant dans le contexte de l’Entre-deux-mondes. Plus qu’une référence au Magicien d’Oz, Magie et Cristal, et plus globalement La Tour Sombre, continue d’emprunter à notre imaginaire pour mieux le tordre, le muer en quelque chose d’inédit, saugrenu et insondable.


Pourtant, il s’agit bien d’un retour à la « réalité » de nos héros, le perfide mais taquin Walter s’empressant de nous le rappeler : s’ensuit une apparition théâtrale comme artificielle, dont la finalité mortuaire et soudaine d’Andrew Quick enrobera le tout d’une savoureuse improbabilité.


De véritables montagnes russes que ce roman, dont le cadre de Hambry et ses douloureux souvenirs m’auront savamment retournés. Mais le Rayon est toujours là, et la Tour continue de miroiter dans un lointain paraissant infini : la suite, vite !

NiERONiMO
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le 19 juil. 2018

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NiERONiMO

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