On devrait vivre en portant plus d'attention à la vie. Elle n'est pas si longue.
Que s'efface Ravage, que s'efface Walking Dead, que s'effacent les copiés-collés sans saveur d'images d'un monde détruit dont les décombres fumantes tremblent encore sous la main de l'homme qui survit. Que s'efface tout cela car voici Malevil. Sans doute un des meilleurs romans post-apo, avec La Route, que j'ai eu la chance de lire. Pourquoi un des meilleurs ?
S'il n'y avait qu'une seule raison, c'est parce qu'il est crédible. Je veux dire par là que l'événement en soi est crédible, certes, mais surtout tout le contexte, qu'il soit géographique, historique, psychologique, scientifique, sociétal, philosophique, politique, religieux... Sans qu'il ne soit jamais exprimé tel quel. Tout est dans la suggestion. Un peu à la Stephen King : on devine plutôt qu'on n'en est informé texto. En fait, toute l'intrigue est menée subtilement et légèrement d'une main de maitre (la langue ! le rythme !) en terrain très localisé, avec un vocabulaire, une façon de s'exprimer, propre à une époque, propre à une région. Et ce personnage principal ! Quel morceau de choix ! Son sens de l'analyse, son rôle pivot et son habileté politique en font le meilleur narrateur possibles. Cela pourrait passer pour de la facilité narrative, scénaristique, mais elle est compensée par les interventions -très ponctuelles- dans ce journal d'un autre personnage qui désamorcent cette petite tension que l'on pouvait ressentir. J'ajouterais pour finir que c'est un roman qui prend son temps. Il prend son temps pour poser les personnages, pour les voir évoluer dans leur nouveau monde - en n'oubliant pas d'où les sont partis- de les voir échouer, recommencer, tenter des choses, discuter, voter. Et le miracle tient dans le fait que tout ce fin assemblage tient la route, il la tient très bien et jusqu'à la fin. Je suis tellement reconnaissante à Robert Merle de s'être obligé à aller au bout de ce pavé en conservant cette qualité de trait. Il a fait de Malevil un bijou parmi les romans d'anticipation. Je le recommande.
(Une question qui continue malgré tout de me trotter dans la tête : à quel moment Emmanuel a-t-il écrit ces lignes ? héhéhé.)
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