Manhattan Transfer, pour moi c'était un groupe de jazz vocal de haute tenue, j'apprends que c'est aussi et surtout le nom d'un noeud ferroviaire au coeur de New York. Le roman de Dos Passos est bien nommé, puisque le projet est de suivre de nombreux destins qui se côtoient, sans parfois se croiser. Un peu comme si, dans une gare, on s'arrêtait sur chaque voyageur pour dérouler son histoire.

Pour le lecteur, il faut s'accrocher. Surtout dans la première partie : les personnages se multiplient, chaque fois c'est un effort pour entrer dans le ou les noms nouvellement introduits. De loin en loin, Dos Passos les suit. Dorkins, c'est qui déjà ? Et Flatfoot ? Bud ? Bob ? Buck ? Joe Harland ?... Joe O'Keefe (car il y a deux Joe) ? Emery ? Cassie ? Ruth ? Francie ? Blackhead ? Cynthia ?... Etc.

Dans les parties suivantes on se détend un peu car Dos Passos suit de plus près quelques personnages.

Elaine (dit aussi Ellie et Helena !), reine de Broadway, qui fait craquer tout le monde mais n'aimera réellement qu'un seul homme, Ed, un riche oisif alcoolique qui décédera prématurément. D'abord mal mariée à un Jojo qu'elle entend quitter dès que possible, elle finit par se mettre avec Jimmy Herf, qui adopte son fils Martin, né de Ed. Elle quitte Jimmy à la toute fin, pour George Baldwin. Souvent femme varie.

Baldwin ? Un avocat ambitieux, qui débute sa carrière en tirant Gus McNiel, victime d'un accident, d'un mauvais pas. Il en profite pour lui piquer sa nunuche de femme, Nellie, avant de la jeter brutalement. Gus n'en saura rien. Il le poussera à faire de la politique, sur fond de grève de dockers. A force de persévérance, l'avocat obtiendra les faveurs de la belle Elaine.

Jimmy Herf, qui a perdu sa mère très jeune, est accueilli dans le foyer de son oncle et sa tante, les riches Merivale. Jimmy se fait journaliste sans enthousiasme, sur fond de guerre mondiale et de prohibition. Les bootleggers se multiplient, la criminalité se développe. Alors qu'Ellie s'éloigne de lui, Jimmy erre dans les rues, sans trouver son destin.

On parvient à suivre quelques autres personnages : Congo, qui part en bas de l'échelle mais fait fortune, changeant son nom en Armand Duval ; Goldstein, protecteur d'Elaine dont il est, lui aussi, épris ; Tony et Anna, deux petits marlous qui finiront en prison ; les Densch, couple de capitalistes qui émigrent en Europe, à Marienbad, suite à une crise qui leur a fait perdre beaucoup ("le marché des haricots est foutu" : on re trouvera les haricots comme poule aux oeufs d'or dans A l'est d'Eden).

Si Dos Passos s'en était tenu à cette poignée de personnages, le lecteur s'en sortirait sans suer. Le problème c'est que leurs péripéties sont entrecoupées de la multitude de personnages dont on a cité quelques noms plus haut. C'est donc assez vite fastidieux. Et ça dure 500 pages. Résultat, fatigué, le lecteur ne fait que survoler les pourtant belles descriptions de New York qui parsèment ce roman par ailleurs très dialogué.

Le projet était ambitieux. La réalisation n'a guère été à ma portée. Voilà qui ne m'incitera pas à poursuivre la découverte de ce romancier que Sartre tenait pour le plus grand de son époque. Sartre et moi, on n'a semble-t-il pas les mêmes goûts.

Jduvi
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le 26 juil. 2022

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