Tragédie antique
Tous les 5-10 ans je relis ce livre et j'y retrouve toujours le même je ne sais quoi. Une certaine manière de poser un décor, de rendre crédible le travail quotidien de la terre au gré des saisons,...
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le 2 sept. 2019
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"Manon des sources" est le deuxième tome de l'ouvrage de Pagnol, "l'eau des collines"
"Jean de Florette" se terminait sur un drame doublé d'une infamie. L'action de "Manon des Sources " démarre trois ou quatre ans après la mort de Jean de Florette.
La fille de Jean, Manon, est maintenant une jeune fille solitaire et farouche, obsédée par la mort de son père qu'elle attribue au manque à pas de chance jusqu'au jour où elle découvre avec stupeur, ce que le lecteur sait déjà, que la mort de son père n'est que la malheureuse conséquence d'une action parfaitement orchestrée et que le village a même sa part de culpabilité. Une froide colère la submerge. L'heure de la vengeance a sonné.
Et comme on sait, la vengeance est un plat qui se mange froid. Froid comme l'eau des collines surchauffées au soleil provençal, qui est source de vie de ces villages.
Le registre du roman "Manon des Sources" est assez différent du premier tome. Dans "Jean de Florette", il y avait un optimisme et une candide confiance dans la vie, dans la science et les hommes face aux manigances de deux paysans, Ugolin/Papet pour la possession de la terre (et de l'eau). Le Destin ne se manifeste juste que pour stopper les rêves, pas très raisonnables, il faut bien le dire, de Jean de Florette.
Dans "Manon des sources", on est clairement dans la tragédie grecque où le Destin dévoile pleinement et peu à peu ses batteries.
L'héroïne comprend enfin qu'ils ont été joués. Elle découvre les coupables directs mais, pire, qu'il y a eu complicité avouée ou non et lâcheté de tout le village. Le Destin s'offre alors pour donner les armes à Manon pour taper là où ça fait mal. On serait en Grèce antique, on pourrait dire que le Destin répand la peste dans le village comme à Thèbes…
Pire encore, le destin se tourne vers Ugolin pour lui inspirer une passion impossible. On serait en Grèce antique, on pourrait dire que le Destin envoie à Ugolin les Erinyes pour le tourmenter ...
Mais pire du pire, encore, le Destin dévoilera au Papet l'impensable. Là encore on est dans le schéma tragique où Œdipe découvre sa situation.
Inutile de dire que l'émotion du lecteur est à son comble et qu'il n'est pas exclu que les larmes sortent des yeux les plus secs et les plus endurcis, à plusieurs reprises dans le roman. Car Pagnol, contrairement aux tragédies grecques qui souvent ne laissent guère d'alternative, fera que le Destin trouvera une solution acceptable pour ce village coupable et pour la famille bafouée.
On reconnait bien là le Pagnol, l'humaniste qui va chercher au fond des âmes l'étincelle, source de bonheur et de loyauté.
Comme si, sous le soleil provençal, au son des tambourinaires, la tragédie ne peut décidément pas perdurer.
La seule chose que je regrette un peu c'est l'aspect trop chrétien de la rédemption mais ne boudons pas notre plaisir, c'est un bien trop beau roman.
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le 26 juil. 2022
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