Il est assez salvateur de prendre de temps à autres ce genre de leçons de vie, ces mises en mots de problèmes plus ou moins ressentis ou plus ou moins vécus. C'est effectivement l'apanage d'un bon traité de philosophie : nous faire voir d'un autre œil notre existence. À lire ce Manuel on ne peut que réfléchir et repenser nos choix, nos buts, nos ambitions. Notre âme est volonté et celle-ci seule est en notre inconditionnel pouvoir. Atteindre l'ataraxie, c'est avant tout accepter, et par conséquent dominer, la fatalité, comprendre que beaucoup de choses nous dépassent et vivre avec. En même temps, on ne pourrait complètement adhérer à ce message puisqu’il pousse à l'indifférence. Bien entendu, si l'on ne désire rien on en devient parfaitement libre dans la mesure où strictement personne ne peut nous contraindre, le meilleur exemple étant la figure de l'homme qui a déjà tout perdu et qui est alors prêt à se sacrifier, mais alors il faudrait en conséquence abandonner tous ses principes, renoncer intégralement, n'avoir aucun espoir. Dominer la fatalité c'est être indifférent au destin et j'ai coutume d'affirmer que le prix du bonheur est bien souvent la sottise. Parfois, il faut savoir sacrifier son propre bien pour celui des autres, lutter contre les forces qui nous sont opposées pour atteindre une authentique amélioration de sa condition et pas seulement ce que propose Épictète, l'abandon de toute cause, de toute volonté. Il y a alors quelque chose de plus grand que le bonheur personnel, il y a soulager la douleur d'autrui. Mais, comme la morale stoïcienne le souligne, il faut aussi accepter de repenser ses perceptions, de revoir ses jugements sur les incidents quotidiens pour faire coïncider ces perceptions qualitatives personnelles et celles pour autrui. Je dirai donc en somme qu'Épictète nous propose une véridique liberté mais que je ne peux pleinement me satisfaire de son idée du bonheur, trop marquée par l'indifférence.