Je poursuis tranquillement ma découverte d'Heinlein, un auteur prolifique que, pour une raison qui présentement m'échappe mais doit être bien sournoise, j'avais occulté lors de mes douces années de boulimie de pages visionnaires, spatiales et fantastiques.
Marionnettes Humaines est le prototype même du bon bouquin de SF d'un âge d'or foisonnant au charme définitivement inégalable. C'est bourré de clichés, d'images lourdes, de personnages essorés et de propos pompeux, mais c'est aussi complètement sarcastique, drôle et conscient de sa propre situation de récit fantasmagorique et jubilatoire.
Il ne faut pas chercher ici l'une des grandes oeuvres qui se permirent discrètement d'ériger la SF au juste rang de littérature renommée et parfois incontournable. Non. Heinlein conçoit là un petit divertissement aussi simple qu'un bon gâteau au chocolat, et tout aussi bon. Un moment d'évasion et d'inventivité gluante du plus bel effet.
Cet auteur s'avère décidément être un conteur d'exception, distillant ses récits avec l'art du rythme et le charme de la parole bourrine, de cette mise en scène constante qui rappellera fortement à toute une génération le berceau filmique dans lequel elle a grandit. Vous êtes entrain de lire le parfait petit roman d'horreur extraterrestre sans prétention, purement divertissant, et vous avez la sensation de flirter avec les racines de tout ce que vous vénérez dans l'arborescence populaire de la culture fantastique.
Une histoire inquiétante d'aliens plein de désirs de conquête, sortes de larves gélatineuses et rampantes, se glissant dans votre cou pour prendre possession de votre corps et de votre esprit, asservissant petit à petit la population terrienne à un rythme effréné, s'insinuant dans les plus hauts postes politiques, dirigeant petit à petit une région, puis une autre sous les yeux d'un petit groupe d'agents spéciaux complètement démunis...
Vous avez déjà l'impression de connaitre ce scénar ? C'est un peu normal...
C'est à la fois punchy et léger, ça s'engloutit tout seul, ça fait sourire avec grand plaisir et c'est aussi une oeuvre dissimulant un conte paranoïaque épidémique entre la véhémence crachotante d'un "They live" (John Carpenter), le purement défoulatoire d'un "The Hidden" (Jack Sholder), le fascinant d'un "It Came from Outer Space" (Jack Arnold) ou même le délirant d'un "Slither" (James Gunn). Je recommande ce petit bouquin témoin des saveurs d'un âge de la SF déjà lointain à tous ceux qui connaissent au moins deux de ces noms. Et aux autres d'ailleurs.
Après "L'Enfant tombé des étoiles", j'ai bien conscience de ne pas encore avoir découvert le plus ambitieux de l'auteur, mais j'ai au moins déniché un fabuleux conteur d'absurdités sympathiques, et c'est déjà suffisant pour recommander le bonhomme.