Le titre résume à lui seul l'ambition de l'ouvrage. Il s'agit non pas d'une simple étude biographique de Barrès mais d'une étude d'histoire des idées, et plus précisément de l'étude des idées de Barrès dans leurs rapports avec le nationalisme français.
Sternhell, signe ici l'un de ses premiers ouvrages qui dès le départ contient l'une de ses thèses phares (quoiqu'elle est mentionné avec prudence dans la conclusion) : la pensée de Barrès est pré fasciste. Pour le démontrer, il fait appel avec une érudition remarquable non seulement aux livres de Barrès à proprement parler, mais aussi à ses articles parus dans la presse, Barrès ayant eu une grande carrière parmi la "journaille" comme disait Léon Bloy.
Ce que j'ai retenu de cette étude ce n'est pas tellement la thèse controversé de Sternhell, c'est plutôt que Barrès comble en quelque sorte un vide. Vide idéologique pour commencer. En effet, comme le souligne Sternhell ce n'est pas tant la défaite de 1870 qui amène à la naissance d'une droite nationaliste, c'est l'affaire Dreyfus qui joue le rôle d'élément unificateur pour cette tendance.
Barrès qui popularisera le terme "d'intellectuel" dans ses articles, développe durant l'Affaire, l'idée d'une fidélité inconditionné des Français à la patrie. Cela en raison notamment de la tradition, mais aussi sur une veine plus biologique du "sang". Toute l'oeuvre de Barrès après l'affaire Dreyfus (bien qu'il reviendra sur son antisémitisme pour les besoins de l'Union Sacrée durant la Première Guerre Mondiale), est marqué par une veine du "sang et de la terre" qui n'est pas sans contradiction. Ainsi, il rejette le régionalisme alsacien et lorrain au nom de la France.
Il est intéressant de noter que malgré la rivalité surtout sur la fin de Barrès et de Maurras (Barrès jugera sévèrement L'enquête sur la monarchie) il y a entre les deux hommes un certain nombre de points communs. Par exemple, Barrès tout comme Maurras, ne considère le catholicisme que comme un moyen de rétablir l'unité nationale et non comme une fin en soi.
Pour Barrès, le but ultime devient dans ses oeuvres de la maturité, la réunification de l'Alsace à la France. Mais là encore ce n'est pas au nom d'une valeur comme le droit des peuples à disposer d'eux mêmes, mais au nom de l'unité nationale.
En somme, Sternhell livre une étude stimulante de la pensée de Barrès déjà très remarqué à l'époque de sa parution.

Ostenweg
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le 14 juin 2020

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