Clarence "Clay" Luckman et Elliott "Digger" Danziger sont des misfits. La mauvaise étoile, la poisse, ils l'ont sur le dos, et ce depuis leur plus tendre enfance, où orphelins, ils sont ballottés de maison de correction en maison de correction, n'ayant d'autres espoirs de la vie que les quatre murs derrière lesquels ils sont enfermés. Elliott l'ainé protège son petit frère du mieux qu'il peut...Jusqu'au jour où débarque par une nuit d'orage Earl Sheridan, psychopathe de la pire espèce, condamné à mort. En s'évadant grâce à un concours de circonstance, Sheridan prend en otage les deux frères. Commence alors une cavalcade sanglante qui va tenir en haleine sans temps mort jusqu'à la conclusion dans les ultimes chapitres.
Imaginez un instant que John Steinbeck rencontre Erskine Caldwell, et qu'ils se mettent dans la tête d'écrire un roman à quatre mains, en prenant ce qu'ils ont de plus noir: vous obtenez Mauvaise Etoile de RJ Ellory. C'est à ces auteurs que j'ai pensé en lisant le roman, comme lors de ma lecture des neufs cercles j'avais pensé à James W.Hall. Roger Ellory nous livre là un roman noir, très noir, dur et sans concession, dans une Amérique des années 60 mal remise de l'assassinat de Kennedy et qui va se perdre un peu plus dans la guerre du Vietnam. Dans ce contexte, Clay et Digger sont bien des misfits, des perdus, mais pas seulement: tous les personnages du roman de RJ Ellory sont des "perdus", comme Bailey et son père, comme les employés de la banque, la famille Eckhardt, Candace ou Emanuel Smith. Chacun est décrit comme victime consentante de sa vie, de sa routine, de son propre destin, de son métier étouffant. Même les agents du FBI semblent dépassés par les évènements. Et puis il y a l'inspecteur John Cassidy. Comme dans les neuf cercles avec John Gaines (encore un John) qui est le seul à vouloir connaître la vérité, envers et contre tous.
Et puis, il y a la route. l'I-10, le long de laquelle les cadavres s'entassent. Omniprésente, elle est l'alpha et l'oméga, le point de départ et d'arrivée des protagonistes, au point de devenir un personnage du roman à part entière. Mauvaise étoile aurait pu s'appeler la route du désespoir, ou Road to Nowhere, un chemin d'inexorabilité sur lequel RJ Ellory emmène son lecteur, haletant, sans lui laisser reprendre son souffle, jusqu'aux dernières pages, montrant quelque part un gâchis et un échec de la société qui a engendré les personnages de l'histoire.
Mauvaise Etoile est un Grand Roman. indéniablement. Qui restera pour moi comme un des mes plus grands coups de coeur, au même titre qu'un Larry Mc Murtry ou un James W Hall. Et qui me confirme qu'en plus d'être quelqu'un de très sympathique, ouvert et formidablement proche de ses lecteurs, RJ Ellory est sans contexte un des meilleurs auteurs actuels qu'il m'ait été donné de lire. Comme pour Michael Connelly, je sais désormais que je n'aurai pas besoin de lire le résumé de page 4 de couverture, pour acheter ses romans: ce sera forcément bon.
Thank you so much, mister Ellory!