Pour l'anecdote je débute ce livre au lendemain de la mort de David Lynch, autre cinéaste ayant construit ma cinéphilie. Cela pourrait sembler anodin mais cet évènement vient voiler la lecture d'une tonalité de requiem. Lecture d'autant plus singulière que ce n'est pas une publication comme les autres qu'Herzog nous propose : ce sont ses mémoires.

La grande appréhension avant de commencer cet ouvrage était de retrouver les mêmes éléments ressassés depuis le début de sa carrière sur les tournages chaotiques ou sa relation avec Kinski comme la quatrième de couverture le laisse entendre. On ne va pas se le cacher, il y a évidemment un peu de ça si on prend le livre dans ses grandes lignes. Les connaisseurs seront en terrain familier mais sauront se délecter de ses détails, et ces derniers sont la sève de ce récit.

N'ayant plus à faire preuve de sa légende, Herzog nous distille ici la face moins connue de ses périples et rencontres, sans hagiographie, tout côté pontifiant y étant expurgé.

Bien au contraire, c'est son humour bavarois (se sont ses mots, n'ayant pas eu la chance d'expérimenter personnellement toutes les, j'en suis certain, savoureuses nuances d'humour des régions germaniques) qui par moment lisse les passages difficiles notamment lorsqu'il en vient à raconter son enfance et sa jeunesse que l'on pourrait aisément considérer comme traumatiques selon nos critères actuels.

La partie concernant son amitié avec Bruce Chatwin, avec qui il partagera les derniers instants de vie, m'a semblée un peu courte mais ayant déjà dédié un documentaire à celui-ci je peux comprendre qu'il ne s'appesantisse pas dessus. Et au contraire c'est une très bonne chose que celle sur Kinski soit vite expurgée (avec panache ceci dit) dans la mesure où c'est la tarte à la crème qui nous est resservie à chacun de ses entretiens. Merci Werner de nous en dispenser.

Enfin c'est son phrasé plus que sa vie narrée qui m'a amené jusqu'au bout du livre. Il a une manière unique d'émouvoir en parlant d'une bille de bois coincée dans le vortex d'une chute d'eau qu'un bâton viendra déloger et remplacer. Ce sont des éléments pris de manière éparse qui viennent construire l'affection que j'ai pour ce récit comme son à la fois hilarant et triste passage à Pittsburg chez la famille Franklin, les fameuses poules dansantes d'une réserve cherokee que l'on retrouvera dans Stroszek, ou l'histoire d'un bouc, mascotte d'une auberge, buveur de schnaps et mort d'une cirrhose (ça ne s'invente pas).

Malgré ces éloges je ne saurais nullement à qui le conseiller. J'en ai pourtant apprécié chaque ligne mais ce serait vous induire en erreur de ne pas avouer qu'on y trouve une façon à la fois un peu vaine de creuser ce qui a déjà été dit et en même temps de créer une ouverture nouvelle fascinante et plus subtile sur ces évènements qui ont traversé sa vie.

Un autre point aveugle de ma démarche étant que je ne suis pas un grand fan de l'exercice autobiographique (la dernière lecture à laquelle je pourrais la comparer étant celle de Nick Mason lu il y a plus de 10 ans ...) et ne dispose pas des outils dialectiques pour en tirer une analyse plus fine. Tout au mieux je peux dire avoir été passionné et touché par son écriture.

Je compte enchaîner sur celle de Lynch (L'Espace du rêve coécrit avec Kristine McKenna) qui peut être en changera ma perception et ma note.

Bouillabaise
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le 6 févr. 2025

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