MA BIBLE
Mon film préféré. La plus grosse claque artistique de ma vie. Une influence dans ma vie. Un éternel compagnon de route. Le cinéma à l'état pur et au summum. Oui, vraiment ma Bible à moi. Je connais...
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le 21 juin 2016
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(Ou qu'on vous l'a offert sous la forme d'anthologie, je veux pas briser le coeur de ma maman)
Autobiographie rentrée dans les annales s'il en est, "Mémoires d'outre-tombe" est un livre particulièrement vivant chez les Bretons du pays de Saint-Malo (avec évidemment Combourg en record, là-bas la place, le cinéma, l'agence immobilière, tout porte son nom et sa tronche est partout - ça reste une ville super mignonne). Pour cause, parmi les personnes que l'aspect politique de l'oeuvre n'intéresse pas, sa description de la nature est restée très remarquée littérairement. Pourtant, moi je trouve que sa façon de détailler sa contemplation de la campagne est assez niaise, misant davantage sur un vocabulaire animalier lié à l'ennui. Alors que, lorsqu'il détaille ses aventures maritimes, usant cette fois de termes vieillis ou techniques ("fuir devant" c'est un bateau qui recule par exemple !), je le ressens beaucoup plus fasciné, il transmet davantage des vibrations exaltantes. J'aime beaucoup d'ailleurs le fait que, du premier au dernier chapitre, il ne cesse d'évoquer le pays Breton, écrivant même que dès qu'il croise un capitaine indigène, il sait que cela aboutit sur de longues discussions sur leurs terres : un sentiment qui a décidément bien traversé les décennies.
Dès le premier chapitre, on remercie l'édition d'autant annoter ses propos : déjà parce qu'il se gourre parfois au niveau des dates, mais surtout parce que ça déborde de références ultra-obscures, allant de figures de tragédies Romaines, à des succès littéraires sans postérité de l'époque - sans parler de ses déformations pour correspondre à ce qu'il décrit. Mais ses références, à quelques exceptions près, ne sont pas utilisées gratuitement : il veut que ses Mémoires soit l'oeuvre de sa vie (et ce sera le cas), il veut que cela transcende les époques, en somme c'est logique dans la volonté de Grandeur Historique du Monsieur.
L'aspect historique et politique du livre, personnellement, était ce qui m'intéressait le plus. La sensation d'immédiateté, comme si Chateaubriand écrivait dans sa chambre alors que Paris s'enflamme littéralement à l'extérieur, est saisissante. On le sent déboussolé, et en même temps conscient que tout est en train de basculer. Sa description de la campagne de Russie de Napoléon est prenante comme un cours d'histoire de luxe, et surtout son portrait même de l'Empereur et de sa fin de vie ("Vivant, il convoitait le monde ; mort, il le possède") est absolument savoureux. Je regrette même que l'anthologie n'en parle pas plus ! Tout cet aspect-là de l'oeuvre m'a régalé, par la raffinerie du style ("la Lune neige sa lumière"), par le détachement impressionnant que l'écrivain manifeste (capable de décrire la faim comme l'opulence avec le même spleen), mais également parce qu'il semble persuadé qu'il est en train de décrire les derniers soubresauts de l'Europe même ; alors il ne laisse rien échapper, des ressentiments globaux comme des détails d'évènements qu'il a vus. Les dernières pages sont carrément concentrées sur son opinion-même, et il est extrêmement frappant de voir qu'il parle déjà... d'immigration massive pouvant menacer l'identité française.
Et sur ces 800 pages (environ), on suit les aventures de François-René aux quatre coins de l'Europe, s'attardant en Suisse ou en Italie, et même au-delà, décrivant ses doutes, ne cachant pas que l'amour ou la vie de famille ne sont pas du tout sa tasse de vin. Mais surtout, on voit le gonflage du melon s'agrandir. Mon paternel m'avait déjà prévenu de cela, je m'étais dit qu'étant l'homme derrière le Romantisme littéraire, cela n'était guère surprenant ; mais alors de là à dire que, en tant que Ministre, toutes ses décisions ont fait avancer le pays, et si on l'avait laissé faire, ça aurait été "à la hauteur de son travail artistique", ah si seulement il était pas entouré d'incapables... Mais là où ça en devient comique, c'est tout le passage où il se retrouve face à un douanier Allemand qui ne le reconnait pas. Putain, une dizaine de pages pour tergiverser sur sa stupéfaction là-dessus, on dirait Macron devant une salle de classe d'école primaire ! Et pourtant, Chateaubriand séduit par son intelligence (j'avoue que sa théorie comme quoi l'égalité sociale est impossible, parce que l'égalité des tempéraments n'existe pas, m'a beaucoup fait réfléchir), par sa mélancolie torturée par son orgueil et son insatisfaction éternelle, par sa lucidité même lorsqu'on n'est pas en accord avec lui.
En somme : c'est un livre impressionnant sur plusieurs domaines, mais qui souffre de longueurs incontestables dès qu'il s'agit de s'égarer sur des rêveries un peu vaines ou des descriptions de villes qui s'éternisent, sans parler des tergiversations religieuses (même si elles sont parfois intéressantes). Avant comme après lecture, le principal intérêt est le portrait de son époque, qui a peu d'équivoques, et pour le personnage qui laisse tout sauf indifférent !
Je tiens à le préciser pour finir, parce que j'en suis très content : pour lire la centaine de dernières pages, j'ai commencé à en lire une vingtaine dans le parc des Petits Diables de Dinan (il a étudié au collège Vercel, toujours actif), lu au moins 80 sur les plages de Saint-Malo, et terminé les dernières dans le train pour Rennes (donc passant par Dol-de-Bretagne), pour achever la dernière page pile devant la gare de Combourg ! Voilà, ça sert à rien, mais je suis fier d'avoir réussi à faire ça. On a l'orgueil qu'on peut !
Créée
le 19 mars 2023
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