Un journalisme d'initiative

Le titre apparaît quelque peu mensonger, puisque ces "Mémoires impubliables" ne dévoilent aucun scandale, aucun secret d'Etat, qui risquerait de subir je ne sais quelle censure, comme le laisse entendre l'éditeur. En tout cas aucun scandale nouveau, puisque Pierre Péan revient sur l'ensemble des dossiers traités durant sa carrière de journaliste - sur des sujets parfois brûlants, c'est indéniable.

En réalité, avant de connaître l'honneur d'une publication, le contenu de ces "mémoires" s'adressait d'abord aux petits-enfants de l'auteur! Voyant sa fin approcher, Péan souhaitait laisser à sa descendance une trace de son passage sur terre, ce qui explique la part importante consacrée à la généalogie (les enquêtes sur le passé familial, autour de la chouannerie et de son aïeul Jean Terrien, dit "Cœur de Lion").

En revanche, on regrettera la portion congrue réservée à la vie privée de l'auteur.

Si la lecture de ces "Mémoires" reste agréable, facilitée par des chapitres brefs, l'ensemble se révèle assez inégal et décousu. On passe d'un sujet à l'autre, d'une enquête à l'autre, en fonction de la chronologie des évènements, ce qui n'est pas toujours confortable.

On couvre l'ensemble du parcours de Péan : de ses premiers ouvrages sur l'Afrique à son enquête sur Jean Moulin, en passant par ses pamphlets sur "Le Monde" et "TF1", ou encore son livre sur la jeunesse de Mitterrand.

La contrepartie, c'est qu'on a rarement le temps d'approfondir, et que Péan ne prend pas toujours la peine de recontextualiser. Ainsi, certains passages demeurent assez hermétiques pour le lecteur mal informé.

Rédigées peu avant son décès, ces "Mémoires" constituent un pavé souvent passionnant mais pas toujours digeste. Pierre Péan n'a pas une formation littéraire, et cela se ressent dans son style guère flamboyant.

Parmi ses petits défauts, on remarque une fascination pour le pouvoir, et une tendance à se faire mousser. Ainsi, l'auteur a des centaines d'"amis", souvent illustres. On ressent aussi parfois une forme de manichéisme, entre ses honorables alliés et ses vils opposants.

Quoi qu'il en soit, Pierre Péan était un homme de valeur et un journaliste suffisamment exceptionnel (par son courage, par son intégrité, par ses méthodes innovantes) pour justifier la lecture de son "testament" littéraire.