Tout penseur philosophique respecté est hélas régulièrement appelé à donner son opinion sur un des sujets brûlants du moment. Quand la méfiance du peuple est de saison, Platon est régulièrement invoqué comme grand ennemi de la démocratie. Et sans doute l'était-il, comme la plupart des aristocrates qui nous ont laissé des textes, lui, issu d'une famille richissime d'Athènes, dont le comportement a d'ailleurs parfois laissé à désirer - Critias. Ceci dit, avant de dire que le pire des régimes pour Platon est la démocratie, il faudrait sans doute relire attentivement les passages où il parle du tyran et de la tyrannie.
Et puisque régulièrement on tente de faire de l'auteur de la République le grand défenseur du mensonge en politique, peut-être faut-il relire les passages où il critique Périclès, ou ce petit dialogue qui montre que le philosophe était comme souvent plus ambigu sur le sujet que ce qu'on croit souvent - peut-être certains devraient donc le lire avant d'en parler.
L'argument est simple : Socrate cultive sa mauvaise réputation en restant dans son lit douillet plutôt que d'assister à la dernière cérémonie du 8 mai en hommage aux morts pour Athènes. Il n'a même pas la télévision le bougre ! En effet dit-il, il connaît déjà le prévisible contenu du discours, et peut en composer un très facilement, ce qu'il s'empresse de faire à la demande d'un Ménexène étonné.
Il le sort donc prestement de sa mémoire, et s'ensuit une hilarante série de mensonges hallucinants sur l'histoire athénienne et sa gloire militaire. Enfin hallucinants, à condition évidemment de connaître cette histoire, un peu plus que très superficiellement.
Ironie suprême -spécialité socratique- pendant quelques vingt-quatre siècles, ce cours dialogue sera lu au premier degré, le sérieux de Platon retrouvé lors de la toute fin du discours (qui parle du chagrin des familles, le philosophe reste digne, lui) n'excuse pourtant pas tout.
Conclure serait trop cruel.