Si le nom de Neil Gaiman est assez connu, son ami et fidèle compagnon l’illustrateur Dave McKean l’est beaucoup moins. Il a pourtant collaboré avec lui sur de nombreux projets, et pas des moindres, même si le plus connu est probablement Arkham Asylum, un classique des aventures de Batou.
Tous deux ont travaillé ensemble pour des bandes dessinées, une série télévisée, l'étrange MirrorMask, mais aussi des albums, des œuvres qu’il serait erroné de ne les considérer uniquement que pour de charmantes têtes blondes.
Mes cheveux fous ne raconte rien de moins que ce son titre indique, une capillarité débridée, où se cachent mille folies. C’est quand une jeune fille dénommée Bonnie apostrophe le narrateur sur ses cheveux que ce dernier va lui raconter quelle importance ils ont pour lui. Dedans c’est la jungle, peuplée de créatures sauvages et colorées, mais c’est aussi le terrain de jeux et d'explorations pour en admirer toute la beauté.
Bonnie voudra quand même les peigner, et c’est un plaisir que de voir que la conclusion ne se termine par une morale un peu facile et autre artifice si commun à d’autres albums.
Il faut reconnaître que la joyeuseté étrangeté du livre tient beaucoup aux illustrations de Dave McKean, qui s’enroulent, se tortillent ou se déploient sur chaque double page pour raconter ce qu’il y a dans ces cheveux. L’artiste utilise son style habituel, composé de collages, d’illustrations et de créations numériques, dans un joyeux mélange aux contours incertains, aux formes parfois décalées. Et c’est pourtant si beau, si magique. Même les deux personnages ont une allure un peu étrange, fantasmagorique, mais en même temps se révèlent si attachants, avec la malice de Bonnie ou les petites inquiétudes du narrateur.
Le texte de Neil Gaiman use de différentes typographies, lui aussi se déploie selon les envies et les besoins, occupant l’espace ou au contraire s’attribuant son petit coin. Les sonorités du texte sont bien retranscrites dans l’adaptation française, que l’on doit à Charles Recoursé. Elles plairont autant aux enfants qu’aux plus grands, leur joyeuse poésie s’adressant à tous.
« Tangue et roule
En boucle et courbe,
Coffres au trésor,
Pirates filous,
Cela attend
Tous les casse-cous
Qui naviguent dans mes cheveux fous »
Mes cheveux fous est fascinant, c’est une plongée dans un autre monde, à la fois proche de nous et distinct, comme un rêve. Et Neil Gaiman est une nouvelle fois le maître de l’onirisme, sublimé par Dave McKean dont l’étrangeté est envoûtante plutôt que rebutante. Pour tous les chevelus, et même ceux qui n’en ont plus.