J'avoue avoir espéré un renouveau des enquêtes du célèbre Belge, une modernisation, une prise de risque, sans pour autant perdre ce qui fait d'un Poirot un Poirot. Ce fut une déception : voici un roman parfaitement lisse. Oui, puisque
Poirot meurt dans Hercule Poirot quitte la scène
il aurait été compliqué de changer le personnage (Meurtres en majuscule se déroulant logiquement avant les derniers romans d'Agatha Christie) sans perdre la continuité avec les "vrais" romans. Mais tout de même, je ne sais pas, je rêvais peut-être, j'espérais ne pas tomber sur une imitation sans personnalité.
Un roman lisse, donc, sans originalité, et qui se révèle rapidement comme étant une mauvaise enquête. À se demander si Sophie Hanna a bien compris le plaisir que l'on peut avoir à lire un Hercule Poirot. On retrouve bien le personnage (quoique dans les grandes lignes, je l'ai trouvé assez caricatural) et un crime mystérieux, mais ça s'arrête là.
3 meurtres identiques, le même jour, dans 3 chambres différentes du même hôtel. On se dit "chouette, il va y avoir pleins de suspects, entre les autres clients de l'hôtel et les employés"... mais non, rien, il n'y a pas d'autre client, et les employés sont très vites lavés de tous soupçons. C'est une enquête sans suspects, sans motifs, sans alibi, c'est une enquête où l'on ne se pose pas les questions habituels d'un Poirot (c'est plus "Comment ?" que "Qui ?"). Il n'y a pas assez de personnages, et ceux-ci ne sont pas intéressants, vides, sans surprises, interchangeables (j'ai mélangé le staff de l'hôtel pendant tout le bouquin...), à peine décrits... et sans motif de meurtre.
Pour vous faire gagner du temps :
ici seuls les assassins ont un mobile pour tuer, on ne suspectera jamais qu'eux et non les autres personnages, alors qu'Agatha Christie était la championne pour réunir plein de coupables potentiels autour du crime.
Pas vraiment de suspects, donc, et pas d'indices non plus. Pas de détails saugrenus qui vous font vous questionner pendant tout le roman. Nada, les seuls "indices" relevés sont laissés là volontairement par l'assassin (ce n'est pas un spoil, c'est une évidence). On n'a rien à se mettre sous la dent, on ne peut pas faire de supposition.
Et, pire que tout, il est impossible de comprendre le fin mot de l'histoire avant l'habituelle révélation de Poirot en fin d'histoire. Car ici, c'est alambiqué. Super alambiqué. Le roman fait 380 pages, 80 pages sont dédiées à l'explication... presque un quart du bouquin ! Et c'est tiré par les cheveux, à peine crédible.
Pour se faire pardonner un erreur passée un homme décide de se suicider en emportant avec lui trois autres personnes qu'il estime coupable de la même erreur. Il tend un piège à deux d'entre elles... et prévient tout gentiment la troisième, allant jusqu'à lui demander son aide. Cette troisième personne accepte (de se tuer avec lui, je précise), parce qu'elle a peur qu'autrement il ne l'assassine ("je préfère qu'on se tue ensemble plutôt que tu ne me tues avant de te tuer"... ahaha, ces Anglais...). Mais en fait non, elle se ravise, et elle lui dit "Non, finalement je vais pas me tuer tout de suite, je vais d'abord faire accuser cette autre personne pour les futurs quatre meurtres, puis quand cette personne sera exécutée j'irai me suicider". Alors qu'en fait, non, elle a demandé à ce soi-disant bouc-émissaire de l'aider à tuer l'assassin numéro 1 ainsi que ses deux futures victimes, pour ensuite faire croire à une super machination de suicides collectifs. Oui oui. Le tout avec l'aide d'un autre complice ex-fiancé puis de nouveau fiancé, et d'une célèbre peintre qui va modifier ses tableaux pour se donner un alibi (mais pas trop quand même, pour pas tromper les historiens de l'art), tout en demandant à un autre artiste "Hey dis donc tu peins des plantes toi, tu pourrais pas me filer des plantes mortelles pour l'homme ? C'est pour un tableau, hein, pas pour tuer des gens ahaha... Oh et puis dans quelques jours ça te dit de mentir à la police pour me donner un alibi ? Pourquoi ? Oh comme ça, un pressentiment". Enfin bref c'est un véritable sac de noeuds (et encore j'ai pas parlé de tout).
D'accord, il arrivait aussi à Agatha Christie d'écrire des fins inutilement complexes (Dix petits nègres, je te regarde là), mais ce n'était jamais aussi peu clair et peu crédible, et au moins le reste était captivant.
Alors pourquoi 4/10 et pas moins ? Parce que mine de rien ça m'a fait plaisir de retrouver Hercule Poirot, et que le roman a l'élégance de ne pas être trop long. Un tome "2" est sorti, je suis presque tenté de me laisser tenter. Une histoire de réception dans un manoir. Y'a même un plan dessiné au début. Ça sent déjà plus le vrai Poirot. À voir.