Les cinéphiles sauront apprécier cette réédition de la mythique revue "Midi-Minuit Fantastique" à laquelle les éditions Rouge Profond ont décidé de donner une seconde vie. Initiée en 1962 autour de la salle de cinéma parisienne Midi-Minuit, cette publication était une des premières en France à se spécialiser dans un genre qui, à l’époque, était déconsidéré par la critique. Une innovation qui, comme l’écrit Nicolas Stanzick, s’apparentait à un « dépucelage fantastique en terres cartésiennes ». Collaborant épisodiquement avec Bertrand Tavernier, Jean Rollin, Topor ou Ionesco, publiant des poèmes de Vian et la toute première traduction française du "Dracula" de Bram Stoker, la revue s’est vite imposée comme une référence en la matière malgré un certain nombre de problèmes avec la censure.
Le premier volume de la réédition comprend les six premiers numéros (de mai 1962 à juin 1963), accompagnés de quelques suppléments, comme un curieux entretien avec Fellini sur le thème des fumetti, les bandes dessinées populaires italiennes. Richement illustrés par des photographies de grande taille, ces numéros contiennent, en plus d’articles de fond (Jonathan Swift inspirateur de "King Kong", les rapports entre fantastique et érotisme, l’origine du mythe des femmes-panthères, etc.), des bibliographies thématiques ainsi que des filmographies commentées. « Le ton est libertaire, les racines populaires, l’inspiration surréaliste. » Quelques noms reviennent régulièrement, qui figurent parmi le panthéon des “midi-minuistes” : Terence Fisher, Christopher Lee, la Hammer, le génial Ray Harryhausen, Barbara Steele…
On sent, chez ces jeunes journalistes, une fascination certaine pour le cinéma anglo-saxon et une amertume à l’égard d’une France rétive au genre fantastique. Alain Le Bris ne mâche pas ses mots lorsqu’il fustige « les derniers radotages séniles d’un Godard, les dernières gueules de bois d’un Chabrol, les ultimes saloperies mystico-publicitéro-fascistes d’un Vadim occupant l’écran comme autant de furoncles » et qu’il ajoute : « Nous eûmes, il est vrai, un Ledoux, un Fourier, un Sade, tous furent incompris et persécutés. […] Nos metteurs en scène nationaux sont des onanistes, voire des homosexuels et, de surcroît, des philosophes plus que véreux. » Le volume est accompagné d’un DVD proposant, entre autres documents audiovisuels, un passionnant entretien avec le spécialiste Jean Boullet, grand nom de la contre-culture et conteur captivant.