Nella a dix-huit ans quand elle quitte son village pour rejoindre Amsterdam et un mari plus âgé, riche marchand et notable de la ville qui vit là avec sa sœur et deux serviteurs. « Homme qui parle toutes les langues sauf celle de l’amour » il lui offre, pour tromper son ennui, une maison de poupée qui est la réplique exacte de celle où ils vivent. Peu à peu, des objets miniatures venus de nulle part, vont venir troubler la (fausse ) quiétude de la maisonnée car ils semblent connaître les secrets de chacun.
Ce roman n’est nullement une biographie mais Petronnella Oortman a réellement existé et sa maison miniature également. Elle est toujours visible au Rijksmuseum d’Amsterdam
C’était une époque, « Gouden Eeuw » (siècle d’or) où la Hollande s’était hissée au rang de première puissance commerciale au monde et où ces maisons miniatures servaient de loisirs aux épouses riches et oisives. Celle de Pétronnella ( la vraie) était à ce point fameuse qu’on accourait de partout pour l’admirer. Il faut admettre qu’il y avait de quoi : https://www.rijksmuseum.nl/en/collection/BK-NM-1010 et il faut savoir que certaines de ces petites maisons coûtaient aussi cher que des vraies.
C’est donc cette vraie miniature qui a été le déclencheur de cette mise en abyme tout à fait fictive – Cette petite maison a elle-même sa part de mystère mais l’auteure a eut le bon goût de pas s’en inspirer davantage, quoique....-
C’est une histoire bien enlevée, correctement racontée et pas mal écrite mais assez simplement ( peut-être la traduction y est-elle pour quelque chose ). La narration au présent a malheureusement tendance à ralentir un peu le rythme. Les personnages sont agréablement typés et décrits avec justesse. Pétronnella, agaçante au début, par son côté oie blanche issue de la campagne, va peu à peu prendre la mesure de ce qui l’entoure et devenir un personnage affirmé dans ses choix et ses décisions, préfigurant, avant l’heure, une jeune femme au comportement d’aujourd’hui.
Un bémol, toutefois, mais de taille, et assez incompréhensible de la part de l’auteure : après 500p on ne sait toujours rien des motivations qui animaient le miniaturiste !
Mais plus encore que cette histoire, c’est la description minutieuse de cette Amsterdam du 17e qui m’a séduit. Remarquablement documenté, le récit nous fait vivre au quotidien les petits métiers d’une grande ville en opposition à la toute puissance des guildes, elles-mêmes sous la coupe d’un sectarisme religieux. On sent l’odeur du poisson fumé sur les docks où grincent les amarres des navires marchands. On ressent le brouillard humide qui transperce les vêtements et rend glissantes les ruelles de la ville, masquant les détrousseurs et autres marins avinés. On respire la fumée de bois que refoulent les cheminées, suffisant à peine à combattre le froid dans les maisons glacées. On vit le quotidien de cette populace austère et rigide, pour qui le plaisir est péché et l’appât du gain un chancre qu’il faut arracher.
Autre bémol : Nous sommes tous évidemment habitués au dithyrambe des quatrièmes de couverture mais comparer Jessie Burton à Donna Tartt est un pas que Gallimard n’aurait pas dû oser.