Lorsque j'ai emprunté pour la première fois Moby Dick à la bibliothèque, la seule version disponible, c'était la version La Pleïade. Et mine de rien, bah, se balader à bouquiner un livre durant l'été avec une version cuir avec les petits fils en tissus pour marquer la page et la page des notes, c'est super classe. Ça faisait plaisir, mais le bouquin étant assez long, j'ai du le rendre à mi-lecture.
Puis, j'ai retrouvé le livre dans une autre édition, celle "gros livre avec des tas de dossiers" chez Quarto Gallimard à l'automne 2023. C'est une version que je conseille assez : on a tout un prologue avec la vie de l'auteur et surtout comment se passait la pêche à la baleine à l'époque. (Ironie, le livre est sorti quelques années avant la création du canon lance-harpon qui changera complètement la façon de chasser la baleine) Mais surtout, il comporte des illustrations de Rockwell Kent, effectuées en 1930 et qui sont encore ultra-belles et très inspirées. Je suis assez content d'être tombé sur cette édition et c'est celle que je conseille (de toute façon
Donc, oui, j'ai lu Moby Dick.
Parce qu'il faisait partie de cette liste de grands classiques de la littérature que je connaissais sans avoir vraiment lu. Ça faisait un petit moment que je ne m'étais pas confronté à un pavé aussi imposant : de 625 pages (Pléiade) à 772 pages (Quarto) sur la pêche à la Baleine. Mais qu'est ce que Melville peut bien raconter en 625 pages ?
... et bah pas grand chose en fait.
Je me suis rendu compte que c'était ce genre de bouquin à la Jules Verne, où l'histoire est un prétexte pour parler de l'état des connaissances scientifique sur un sujet donné (ici la baleine) et digresser sur autre choses. Entre les chapitres racontant l'aventure d'Ismael sur le baleinier du capitaine Achab, Merville parle entre autre de la représentation de la baleine, de la façon dont le blanc (comme la baleine) est défini comme une couleurs surnaturelle, et on va détailler un par un chaque élément constitutif de la baleine : son squelette, sa bouche, la fontaine qu'elle fait, etc... Le tout est raconté avec lyrisme, ce qui compense le fait que ça soit devenu factuellement faux. (Notamment le fait que beaucoup d'espèce désignée comme des poissons dans le livre... n'en sont pas.)
Entre tout ça, il y a ce qui est partie "récit" avec des personnages assez haut en couleurs, notamment le fameux capitaine Achab qui s'obstine à rechercher Moby Dick. Moi qui m'attendait à ce que son récit soit raconté progressivement, je fut surpris de voir qu'en fait, tout était raconté en quelques lignes aux alentours de la page 100 quand il explique qu'elle lui a bouffé la jambe et que l'équipage doit partir à la recherche de cette baleine. Achab lui-même n'est vraiment caractérisé que vers la fin du récit, lors de la chasse à la baleine, lors des envolés lyriques improbable qu'il fait.
Et là encore, le livre parle très longuement de la vie à bord d'un baleinier et la pêche d'une baleine au milieu du livre sera l'occasion de raconter point par point ce qu'on en fait, comment on la découpe, à quoi va servir tel ou tel organe, parler des requins qui suivent le bâteau, etc... C'est instructif ceci dit, mais pas follement passionnant.
Ce qui faisait office pour moi de respiration salutaire, c'est toute les rencontre entre le Pequod (le bateau dans lequel se situe l'action) et un autre navire, rencontrant tour à tour des capitaines normaux, des gens venus leur remettre des lettres, des capitaines inconscients (les français prennent cherq dans ce livre) ou d'autres plus joyeux.
Le fait qu'ils refusent de venir en aide à l'équipage de la Rachel m'a enlevé toute empathie envers Achab.
Dans les choses auquel je ne m'attendais pas, il y a toute la tension homo-érotique involontaire entre le héros, Ismael, et Quiqueg, avec lequel il se retrouve à partager le même lit dans les trente premières pages du roman. Et bon, ils finissent par bien aimer ça, puisque Melville dit des phrases comme "nous goutions une tendre lune de miel de coeur." Chouette pour eux. Dommage qu'au final, cette virile amitié soit un peu oubliée dès qu'ils partent en mer.
Car c'est un peu l'autre problème que j'ai avec ce livre : les personnages même s'ils sont bien caractérisés, sortent très peu du carcant d'être des "personnages fonctions" et au fond, leur destin importe peu.
Le bateau coule. Le protagoniste reste le seul survivant. Au revoir. Aucun égard pour Quiqueg ? Bon, ironiquement c'est le bateau qu'il avait créé pour servir de cercueil qui sauvera le héros, mais le héros n'aura pas vraiment un mot pour lui à la fin du roman.
Est-ce le fait que le livre soit écrit au XIXe siècle ou est-ce une fantaisie de l'auteur de faire limite parler ses personnages comme des héros shakespeariens. Certains passages sont racontés à la façon d'une pièce de théâtre et il y a de nombreux moments où les personnages (enfin surtout le Capitaine Achab) ont des super longues tirades où ils parlent du destin, de cette maudite baleine ou de la vie par des réflexions qui ressemblent plus à des monologues intérieurs qu'autre chose. Sérieusement, qui, autrement que pour blaguer place des "Oh ceci" et "Oh cela" dans une phrase. Cela augmente l'impression d'irréalité du livre, et l'idée que la chasse contre Moby Dick n'est qu'une chasse contre le destin (ou contre Chtuluh, qui sait ?)
Au final, j'en reste avec le fait que j'en sais maintenant beaucoup sur la pêche à la baleine dans les années 1840, et beaucoup moins sur l'espèce de quête de vengeance folle d'un capitaine à la dérive. Ça, je l'ai retrouvé vraiment bien mieux écrite dans de nombreux romans/films/épisodes de séries qui se sont inspirés de Moby Dick, que de l'oeuvre originale elle-même.